(13,1) Janvier 1986   EXCLUS
	Au BRESIL, des paysans expulsés de leurs terres par des faux propriétaires essaient de survivre par exemple en défrichant des terres jusque-là inexploitées. Ils n'ont que leur volonté pour réussir. L'Etat les ignore. En BOLIVIE, de grands projets de développement sont élaborés avec la participation d'organismes internationaux. On promet aux paysans des moyens : une formation, de l'argent, un réseau économique de production et de commercialisation. Les projets se suivent mais les promesses sont étouffées par les "coûts administratifs." l'Etat demande la participation des paysans aux " efforts nationaux ", mais les paysans sont exclus de toute aide publique. En Amérique du Sud, en Afrique, en Asie, des paysans sont acculés à la faillite pour diverses raisons : baisse des cours de production, augmentation de l'impôt, confiscation des terres par les prêteurs usuriers, sécheresse, maladie... N'ayant plus de moyens de vivre, ils vont, par centaines de milliers, vers les centres urbains : Mexico, Sao Paulo, Dakar, Lagos, Calcutta, Bombay, Bangkok... pour grossir les bidonvilles et tenter de vivre en marge de l'économie des riches. En Europe de l'Ouest, en Amérique du Nord, les machines - robots prennent le relais du ralentissement économique de ces 10 dernières années pour provoquer le chômage de millions de travailleurs. Aux jeunes, il devient très difficile de trouver un véritable emploi. Beau coup, parmi les chômeurs et les jeunes n'ont droit à rien. Exclus. Ailleurs, dans bien des cas, les organisations étatiques ne parviennent plus à approvisionner les populations. Les denrées alimentaires sont rationnées, leurs coûts subissent des augmentations. Ceci provoque des protestations puis la répression et l'exil intérieur de millions de personnes. LES EXCLUS SONT AINSI PARTOUT, de plus en plus nombreux, victimes de l'incapacité économique et de l'entêtement nationaliste périmé de leurs responsables politiques. L'analyse des mécanismes d'exclusion démontre la dimension mondiale du problème auquel on ne peut valablement répondre que par des stratégies de même envergure. Certains ont choisi la violence, le conflit, le terrorisme international. C'est à notre avis une faiblesse d'analyse, car la violence modifie et repousse les problèmes, mais ne les résout jamais durablement. Nous proposons, au contraire, le tissage d'un réseau de solidarité, œuvre commune de toutes les personnes de bonne volonté sans distinction de nationalité, ni d'origines sociales, mais respectueux de toutes les identités Nous ne prétendons pas produire rapidement, par miracle, la fin du phénomène d'exclusion, mais nous sommes persuadés qu'en nous entraidant à la fois localement et par delà les frontières, nous établirons un monde plus juste. Nous avons tous besoin les uns des autres. Daniel DURAND