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La semaine du 30 Novembre au 08 Décembre 1997 restera dans le souvenir de nos partenaires du Groupement des Orphelins de Tozounmé comme une des plus éprouvantes de leur vie. Cette semaine-là, en effet, ils ont perdu la totalité de l’élevage porcin qu’ils venaient de lancer avec tant de fierté, au moment où le troupeau commençait à s’agrandir avec la naissance des premiers porcelets. La cause : une épidémie de peste porcine qui s’est abattue sur le Bénin, terrible maladie éminemment contagieuse et à l’issue presque toujours mortelle, les porcs survivants, lorsqu’il y en a, devenant à leur tour vecteurs de la bactérie responsable du mal.
« On ne pouvait même pas pleurer car nous avions les voix enrouées de sanglots à cause des dépenses supplémentaires effectuées pour créer un cordon sanitaire, acheter un pulvérisateur plastique pour désinfecter la porcherie, des mesures, Dieu seul sait combien il y en avait... Tout est vain », nous écrit Gaston Houssou, le président du groupement. Et, de fait rien ne peut enrayer cette maladie insensible aux vaccins, aux sérums, aux antibiotiques, rien, sauf des mesures prophylactiques draconiennes qu’il est bien difficile de faire respecter là où les moyens éducatifs de masse sont insuffisants (à noter qu’en Europe, depuis 2 ans, les Pays-Bas sont eux aussi aux prises avec la peste porcine, sans en être encore venus à bout).
Le CERIDAA, ONG d’encadrement du G.O.T. nous apprend que le Bénin n’est pas seul concerné : d’autres pays de la région sont touchés, mais le Bénin prend des allures sinistrées, au point que le gouvernement a ordonné l’abattage de tous les animaux sains du pays... ce qui soulève un tollé chez les éleveurs qui souhaiteraient, à tort ou à raison, des mesures de prévention plus souples. La F.A.O. s’est associée au Ministère du Développement Rural pour diffuser massivement une plaquette d’information sur la maladie et sa prévention. Les éleveurs de porcs se sont groupés en Association nationale, auquel le G.O.T. a adhéré, pour réclamer des pouvoirs publics qu’ils prennent en charge le remboursement des prêts.
En attendant, une grande partie des efforts du G.O.T. sont ruinés, ainsi qu’est perdue une partie du financement réalisé par le Fonds Mondial. Néanmoins, le G.O.T. a réagi très rapidement et avec beaucoup d’à propos : avec les 249.750 F CFA non encore employés, il a acquis 2 ha supplémentaires de manioc en production ainsi qu’une presse mécanique. Une solution pour que le G.O.T. reste la tête hors de l’eau en attendant le démarrage de nouvelles activités ( il s’est lancé depuis peu dans l’élevage d’aulacodes2)
serait qu’il valorise ses 4 ha de manioc et surtout qu’il loue les services d’un moulin à manioc aux autres exploitants : la saison est propice. Reste à acheter, dans l’urgence, un moulin pour 450.000 F CFA (4.500 FRF)... que le Fonds Mondial n’est pas en mesure de fournir actuellement. Par contre, le contrat de solidarité pourra être révisé de façon à différer autant que nécessaire l’obligation de remboursement du prêt consenti au titre de l’élevage porcin.
Outre son caractère dramatique, cet événement pose un problème délicat pour le pilotage présent et à venir de quelques partenariats du Fonds Mondial. En effet, d’autres élevages porcins ont été ou sont sur le point d’être financés dans la région, notamment au Togo tout proche et au Burkina Faso pas très éloigné. La période de transition sanitaire avant de relancer un nouvel élevage sur le même site est en principe de 6 mois, mais sachant que les épidémies de peste porcine sont récurrentes, on peut se demander si un tel délai est réellement suffisant et on peut s’interroger sur l’opportunité actuelle d’établir de nouveaux élevages. Cette grave question fait l’objet d’une consultation avec nos partenaires, ONG et groupements concernés dans ces pays.
A. Cavelier
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1 Cependant les bâtiments et équipements sont bien en place
2 L'aulacode, c'est un agouti d'élevage, un rongeur dont la chair est très appréciée.