MS60, page 1, Mars 1998 Cour Criminelle Internationale
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Nous écrivions dans un numéro déjà fort ancien, sous la plume d'Alain Cavelier, que tout être humain a le DROIT de se nourrir convenablement, tout comme il a ceux de respirer et de dormir : ce sont là les droits naturels fondamentaux sans lesquels les autres droits n'ont pas de sens". C'était au début de 1989, l'année de la chute du Mur de Berlin. |
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L'histoire nous a quelque peu rattrapés pour nous contredire. Conséquence des résistances inévitables lors d'un changement de régime, la guerre s'est installée en Yougoslavie, et au cur de celle-ci l'exécution d'un plan d'épuration ethnique et de génocide. Conséquence des absurdités commises par les administrations impérialistes du Nord (Europe ou USA) en Afrique, le Zaïre, le Ruanda, le Burundi, mais aussi l'Ouganda et le Soudan(*) se sont impliqués dans des plans de génocide et dans des crimes de guerre... qui se poursuivent à l'heure actuelle. Le scandale à répétition de ces atrocités a ému une part importante de la "communauté internationale", et après avoir instauré le Tribunal Pénal International de La Haye pour l'ex-Yougoslavie, puis celui d'Arusha pour le Ruanda, voici annoncée à Vienne une Cour criminelle internationale permanente. Cette Cour aura les pleins pouvoirs pour enquêter et poursuivre en justice les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide. 26 Etats ont apposé leur signature au bas des statuts fondateurs. Pour que la Cour soit officiellement constituée, il faudra que ses statuts soient signés et ratifiés par 60 Etats membres des Nations Unies. Or les Etats-Unis s'y opposent, l'Inde qualifie cette Cour de quelque chose "sans signification", tandis que la Russie s'oppose à l'arrestation des criminels de guerre serbes et que la Chine ne comprend pas la morale occidentale. Admettons un instant que 60 Etats aient signé et ratifié. La Cour aurait alors les pleins pouvoirs pour enquêter et poursuivre en justice... Mais s'il vous plaît, avec quelle police ? Il n'existe pas d'Institution supranationale capable de mandater et d'assurer la sécurité d'une commission d'enquête au Soudan ou au Congo. Et au nom de qui, au nom de quoi la justice peut-elle être rendue ? Pas au nom des "Peuples du Monde" puisqu'ils n'ont jamais été appelés à s'exprimer à ce niveau. Ce ne pourrait être qu'au nom des Etats et de leurs intérêts particuliers, au nom des pouvoirs qui maintiennent le monde en état de division. Nous sommes ici très loin d'une démarche de paix mondiale et de respect universel des Droits de l'Homme. Elle est étrange cette manière d'aborder une question d'avenir avec des méthodes du passé. Etrange cette volonté de créer une Cour Inter-nationale aux pouvoirs supra-nationaux ! Les criminels de guerre et leurs défenseurs auront beau jeu d'utiliser la contradiction entre ces deux niveaux du Droit. Les génocidaires vivront des retraites heureuses tandis que l'on continuera à mourir dans la forêt congolaise, au sud soudanais en Algérie ou en Afghanistan. Qu'on le dise ! Si l'on veut un Droit supranational, que surgisse d'abord une loi supranationale, et celle-ci ne sera acceptable et applicable que si elle émane de la volonté des Peuples du Monde. Rien de moins ne peut servir la cause de l'Homme. Daniel Durand
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