(74,1) Juillet 2002 | |
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C’est grave ? ben oui, c’est grave ! Qu’est-ce qui est grave ? voici : chaque semaine, 50.000 poussins sont détruits dans les élevages avicoles du Cameroun. Faute de preneurs. Conséquence : les petits élevages, tels que ceux qui pourraient être mis en place avec l’aide du Fonds Mondial, disparaissent. Avec eux, une frange importante de la paysannerie camerounaise qui n’a d’autre choix que d’aller grossir les bidonvilles de Douala ou de Yaoundé, avec très peu de perspective d’y trouver un travail honnête et rémunérateur. Pourquoi ? tout simplement parce que l’importation du poulet congelé à partir de pays des régions développées met l’élevage local à genoux. C’est ce que nous rapporte notre confrère La Voix du Paysan1 de Yaoundé, au Cameroun, dans son numéro de mai 2002 (cf témoignages en page 2). Pendant ce temps, une conférence de plus de la F.A.O. se penche, à Rome, sur les grands malheurs de la petite paysannerie à travers le monde – malheurs auxquels n’échappe pas la petite paysannerie des régions nanties – et se sépare, comme d’habitude, sur un constat accablant mais sans aucune perspective de solution à court, moyen, ou long terme. C’est que, voyez-vous, la F.A.O. est financée principalement par les pays des régions nanties et que ces derniers n’entendent en aucune manière remettre en cause le sacro-saint dogme de la libéralisation des échanges ou seulement lui apporter des correctifs pour le rendre plus équitable. Car la liberté des échanges n’est équitable qu’entre partenaires de même force. Elle est profondément injuste entre partenaires de poids trop éloignés, le plus lourd n’ayant aucun mal à dicter sa loi, qui n’est jamais philanthropique, au plus léger. Nous avons ici l’illustration très concrète, dans un pays représentatif des régions économiquement dominées, de la conséquence des mécanismes mondiaux que nous décrivions dans l’éditorial " La faim justifie les moyens " du n° 72 de Monda Solidareco. Et les poulets du Cameroun ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan des productions agricoles et halieutiques dont le maintien est menacé à travers toute la planète par les productions non seulement " plus performantes " (en termes de productivité et de coût de revient) mais aussi subventionnées (bonjour la " liberté " !) des régions nanties. Une goutte d’eau qui condamne à la misère des dizaines de milliers de familles camerounaises. Un véritable génocide lent à l’échelle du globe. Si les partenaires ne sont pas de même force, alors il faut imaginer des mécanismes de compensation qui rétablissent l’équilibre. Certains, comme le CRID2 auquel adhère le Fonds Mondial, militent pour une réforme des Institutions Financières Internationales et nous les appuyons sans réserve. A cela ils ajoutent la nécessaire protection des productions locales par des taxes douanières adaptées. Acceptable dans l’urgence, cette technique protectionniste n’est, à nos yeux, qu’un pis-aller, car elle est toujours unilatérale et appelle d’implacables mesures de rétorsion de la part du plus fort. En outre, comme c’est souvent le cas, le protectionnisme national peut devenir une arme déloyale entre partenaires qui se servent des échanges internationaux pour infléchir les politiques étrangères des uns et des autres. Au Fonds Mondial, nous préfèrerions une solution plus ouverte, comme par exemple la régulation des termes de l’échange au niveau mondial par l’application au prix des marchandises d’un coefficient représentatif de l’IDH (indice de développement humain) de chaque pays, révisable chaque année. Sa mise en oeuvre supposerait l’existence d’une instance mondiale supranationale parfaitement indépendante, donc issue d’une autorité politique elle-même irrécusable. Doit-on vous faire un dessin ? Alain Cavelier
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1 La Voix du Paysan, publiée en anglais, en arabe et en français par le SAILD, B.P. 11.955 Yaoundé, Cameroun, tél [+237] 222.46.82 ou 222.62.44, fax [+237] 222.51.62, couriel saild@camnet.cm . 2 Centre de Recherches et d'Information sur le Développement, 14, passage Dubail, 75010 Paris, France, tél [+33](0) 144.720.771, fax [+33](0) 144.720.684, couriel info@crid.asso.fr, site internet www.crid.asso.fr . | |
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