(74,2) Juillet 2002 | |
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" A notre niveau, nous pensons que nous approchons la faillite du système (….). En matière de poussin de chair, nous tuons chaque semaine des milliers de poussins car, rappelez-vous qu’à la même période de l’année passée, on me posait à l’inverse la question de savoir si nous étions capables de satisfaire le marché ; et nous avions demandé qu’on nous donne 14 mois. Aujourd’hui nous sommes à l’échéance de ces 14 mois et je crois que nous étions capables de satisfaire le marché national. Voilà qu’on réouvre encore les frontières, voilà que les poulets congelés inondent encore le marché, ce qui entraine la faillite du système " déclare Jean Roger Noutchogouin, administrateur délégué de la SPC3 à Jacob Bongkwaha pour La Voix du Paysan. Innocent Kamgué, gestionnaire de la SOCAO renchérit auprès de Jean-Baptiste Ndemen : " Actuellement, l’activité est à zéro ! On n’est plus encouragé. Les éleveurs ne peuvent plus renouveler leurs bandes parce que les poulets de chair ne se vendent plus. Dans ce contexte, c’est clair que les poussins, c’est fini. Tous les investissements que les accouveurs ont faits ne peuvent être rentabilisés ". Devant son hangar abandonné, Alexandre Betegné, éleveur dans le Mfoundi, confie à Marie-Pauline Voufo : " Comment voulez-vous qu’une ménagère vienne acheter chez moi un poulet à 1.800 Fcfa alors qu’à côté on vend 1 kg de poulet congelé bien nettoyé à 900 F ? " et il envisage d’arrêter cette activité qu’il mène à perte. Certes, le prix de la provende est élevé et n’est pas complètement étranger à cette différence de prix. La raison ? la sécheresse qui a réduit la production de maïs et dissuadé nombre d’agriculteurs de le recultiver, imposant aux éleveurs d’importer au prix fort cet aliment essentiel. Maïs importé trop cher d’un côté, poulets importés trop bon marché de l’autre : Marie-Pauline Voufo constate dans les élevages que les petits producteurs sont pris dans un étau. L’ingénieur agronome Appolinaire M. Kam estime quant à lui que c’est grave pour la sécurité alimentaire du Cameroun, parce que " quand un pays dépend exclusivement de l’étranger pour son alimentation, cela peut être assez dangereux car, s’il y a un problème dans le pays pourvoyeur, les populations locales peuvent en être gravement affectées ". En prenant un peu de recul, les perspectives font froid dans le dos : " si le statu quo persiste, l’avenir de l’aviculture camerounaise et même africaine serait sombre. En effet, toute l’Afrique ne représente que 5 % du marché mondial du poulet. La firme américaine Tyson Foods couvre à elle seule 7 % du marché mondial du poulet. Il suffirait qu’elle augmente sa production de 5 % (et elle en a les moyens) pour que l’aviculture africaine s’éteigne ". Et pendant ce temps, " le mercredi 16 avril 2002, Radio France Internationale diffusait l’information selon laquelle le Sénat américain a voté une loi autorisant le Gouvernement à débloquer une aide de 175 milliards de dollars US (soit 131.250 Milliards de Fcfa environ) pour l’agriculture. Tous calculs faits, un agriculteur américain recevra 175 dollars (131.250 Fcfa ) pour la production d’une tonne de blé, et 150 dollars (112.500 Fcfa) pour la production d’une tonne de maïs. Une telle mesure vise à dynamiser le secteur et à le rendre plus compétitif ". Et Marie-Pauline Voufo de conclure : " Ainsi va l’aviculture camerounaise à l’heure des congelés. Ainsi va notre élevage à l’heure de la mondialisation ".
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La matière de cet article est reprise du dossier ouvert sur la question par La Voix du Paysan n° 124 de mai 2002, les citations entre guillemets sont textuelles.
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