-

PESTICIDES : un mal nécessaire ?

Divers projets soutenus par le FONDS MONDIAL portent sur la production agricole et il se inévitablement le problème de la protection des cultures contre leurs parasites et ravageurs Donc, bien souvent, celui de l'utilisation des pesticides. Or 99 % des intoxications mortelles dues aux pesticides surviennent dans le " Tiers-Monde "... qui n'en consomme que 20 % !

Il nous a donc paru opportun, au moment où une prise de conscience semble se dessiner a ce propos dans la presse et dans l'édition, de donner les principes généraux de l'utilisation des pesticides. Le sujet fait ici l'objet d'un premier article, qui sera suivi d'un second dans MONDA SOLIDARECO n° 26.

L'Organisation Mondiale de la Santé le dit : chaque minute, une personne des Régions Économiquement Dominées est victime d'un empoisonnement par les pesticides. En outre, qui ne se souvient des accidents de Bhopal en Inde et de Seveso en Italie ?

Pourtant, bien des productions agricoles, surtout dans les. régions tropicales, ne peuvent actuellement se faire sans pesticides et bien des denrées entreposées disparaîtraient en grande proportion sans protection chimique Alors, quelle est la nature du problème ?

QU'EST-CE QU'UN PESTICIDE ?

Un pesticide est une substance issue de l'industrie chimique ou (rarement) extraite de certaines plantes et destinée protéger les cultures et les denrées récoltées contre les déprédateurs qui les consomment et diminuent (parfois annulent) les rendements.

Il y a un millier de molécules de pesticides en circulation ans le monde, présentées sous la forme de spécialités commerciales au moins dix fois plus nombreuses : cette première constatation montre qu'on ne s'improvise pas utilisateur de pesticides et qu'on doit être formé a les connaître.

Car les usages des pesticides sont extrêmement variés. On distingue les grandes "familles" suivantes (je ne cite que les principales) :

• les fongicides destinés à combattre les champignons microscopiques pathogènes,
• les herbicides destinés à lutter contre les mauvaises herbes,
• les nématicides destinés à combattre les nématodes (vers microscopiques),
• les insecticides destinés à combattre les insectes,
• les acaricides destinés à combattre les acariens (minuscules " araignées ").

  D'autres encore servent à lutter contre les virus, les bactéries, les oiseaux ravageurs, les rongeurs.

  Mais à l'intérieur de ces catégories, il y a une grande quantité de sous-groupes selon les espèces visées selon la nature chimique des produits, selon leur mode d'utilisation etc... C'est tout un monde dans lequel seuls les spécialistes parviennent à se retrouver, et c'est là un problème important.

  QUEL EST LEUR MODE D'ACTlON ?

  Un pesticide est le plus souvent une substance toxique pour le déprédateur visé. Il agit soit par contact, soit par inhalation, soit par ingestion... souvent les trois. Mais ceci est une classification grossière qui recouvre un grand nombre de " modes d'action biochimiques " qu'il est. impossible de détailler ici. Disons simplement que certains, dits " unisites ", agissent sur une seule fonction de l'organisme alors que d'autres, dits " multisites ", agissent sur plusieurs fonctions. Au bout du compte, ils l'empoisonnent.

  Il faut connaître une règle absolue " seule, la DOSE fait le POISON " et celle-ci varie avec chaque produit, avec chaque déprédateur visé, avec chaque culture protégée...

  COMMENT LES. PESTICIDES SONT-IL DANGEREUX ?

  La vie, végétale et animale, du microbe à l'homme, présente une grande unité de fonctionnement. Pour cette raison les pesticides sont souvent aussi des poisons pour les autres êtres vivants, y compris. l'homme. Cette toxicité est très variable : si, par exemple un homme de 60 kg avait une chance sur deux de mourir en absorbant 60 milligrammes (0,06 g !) d'ALDICARBE il lui faudrait absorber plus de 900 grammes de CARBEDAZIME pour courir le même risque. On doit cependant compléter cela par la distinction entre - toxicité aiguë (empoisonnement en une seule prise) et toxicité chronique (empoisonnement par prises répétées dans le temps) : certains produits de faible toxicité aiguë présentent une toxicité cumulative avec le temps (ex. : le " D.D.T ").

  Là encore, donc, la DOSE fait le POISON et notons que celle-ci est systématiquement dépendante du poids de la personne exposée.

  Le problème se complique encore parce que les pesticides peuvent pénétrer dans le corps, selon le cas, non seulement par ingestion (la bouche), mais aussi par inhalation (en respirant) ou par contact, à travers la peau. Ces dangers sont trop méconnus des utilisateurs.

  ET L'ENVIRONNEMENT ?

  L'environnement, c'est les milliards d'interactions qui lient entre elles des milliers d'espèces vivant dans le sol, dans l'eau et à leurs surfaces. Ces interactions déterminent les " équilibres biologiques " qui sont modifiés par les techniques de mise en culture, et, singulièrement, par l'usage des pesticides. Cette modification entraîne un appauvrissement considérable de la diversité de la flore et de la faune, de la microflore et de la microfaune dont dépend le fonctionnement du milieu. Il est très difficile de gérer ce qui reste car toute intervention humaine a des effets très amplifiés par rapport à ce qui se passerait dans un milieu naturel " vierge ". Aussi voit-on souvent des déprédateurs se multiplier suite à un usage excessif des pesticides parce que ces derniers ont éliminé les ennemis naturels de ces déprédateurs : on obtient le contraire de ce qu'on espérait ! Souvent aussi des déprédateurs développent une résistance à certains pesticides trop utilisés. Ce sont surtout les pesticides unisites qui sont concernés par les résistances. On est alors contraint à augmenter les doses, ce qui augmente les dégâts sur l'environnement... et cela devient un cercle vicieux. De plus, les pesticides entraînés par les eaux de pluie ou par le vent contaminent la nature environnante.

  POURQUOI LES ACClDENTS AVEC LES PESTICIDES ?

  Je ne parle pas ici des accidents dans les usines de fabrication des pesticides qui ne se produisent que parce que les normes de sécurité y s'ont insuffisantes ou pas respectées.

  Je parle des milliers d'accidents qui arrivent chaque jour aux manutentionnaires ou aux paysans insuffisamment avertis, et dont la plupart, par ignorance, ne sont même pas identifiés comme des empoisonnements dus aux pesticides. Et pourtant ils mènent souvent à la mort.

  Et c'est bien d'ignorance qu'il s'agit

• ignorance de la nature des produits,
• ignorance des dangers des produits,
• ignorance des catégories d'emplois (quels produits pour quels déprédateurs ?),
• ignorance des conditions d'utilisation (en quelles circonstances ?),
• ignorance des précautions d'emploi,
• ignorance des conditions de stockage,
• ignorance ou non respect de la réglementation.

  Mais c'est aussi que les conditions de vente des pesticides dans les régions économiquement dominées ne sont pas soumises aux mêmes contraintes que dans les pays développés. J'en parlerai dans le prochain numéro de MONDA SOLIDARECO en rendant compte de deux livres sur la question : " Pesticides sans frontières " de David MEIR et Mark SHAPIRO et " Les Poisons du Tiers-Monde " de Mohamed BOUGUERRA. J'ajouterai des indications utiles pour orienter l'usage des pesticides vers une utilisation moins dommageable pour l'homme et pour l'environnement. A bientôt, donc !

  Alain Cavelier

  

page réalisée par Daniel Durand