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le kiosque des Citoyens du Monde

(32,2) Mars 1991
Session du Juillet 1990, au Château de La Lambertie

    QUELLE AGRICULTURE : POUR QUEL DEVELOPPEMENT?

Sommaire du Fonds Mondial

Les contraintes de production et de commercialisation, de même que les conséquences de l'activité agricole, dépassent toujours plus le cadre local, régional et même national Les phosphates ne proviennent-ils pas d'Afrique ? Le soja et le manioc des aliments du bétail ne sont-ils pas fournis par le Brésil et la Thaïlande ? Les pesticides dont nous aspergeons (trop) généreusement nos cultures ne nous sont-ils pas fournis par des entreprises multinationales dont les sièges sont situés en Europe, en Amérique du Nord, au Japon et dont las usines tournent souvent dans les. R.E.D.(1) ? D'autre part il est indéniable que, comme l'ensemble des activités humaines, l'agriculture entretient avec l'environnement des rapports qui ignorent superbement les frontières...

John ROBERTS, professeur d'histoire eh Grande-Bretagne a ouvert la session par la traditionnelle présentation du mondialisme fédéraliste et Alain CAVELIER, chercheur INRA (2) et secrétaire du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim a proposé une justification biologique de la marche de l'humanité vers son unité : "Unir sans uniformiser, unifier sans déraciner "

Le vif du sujet a été abordé par Miguel ALTIERI, chercheur Chilien à l'université de Berkeley, en Californie; qui a plongé l'assistance dans le monde de l'agroécologie, conception intégrée de la production agricole, de la restauration et de la préservation des sols et du maintien de la qualité de l'environnement, pratiquée sous de multiples formes en Amérique latin.-indienne et en Afrique avec le concours fréquent d'Organisations Non Gouvernementales spécialisées.

Puis Henk HOBBELINK, coordinateur néerlandais à "International coalition for développement action" en Espagne a esquissé les. étonnantes perspectives ouvertes par le développement des biotechnologies, pas décisif dans la maîtrise du vivant. L'aspect "génie génétique" des biotechnologies a particulièrement retenu l'attention et Ie problème de la propriété des ressources en matière de variabilité génétique dont la plupart situées dans le Sud alimentent les sélectionneurs du Nord, n'a pas manqué. d'être posé.

Adel EL TITI, chercheur palestinien à l'Institut de protection des plantes de Bade-Wurtenberg (RFA) a fait part des résultats de quinze années d'expérimentation de comparaison de systèmes do cultures à Lautenbach. II a montré qu'une pratique intégrée intelligente permettait de réduire nettement les apports de fertilisants et de pesticides, de conserver un bon état du sol, de respecter un environnement sensible (bassin de captage d'eau de consommation) tout en maintenant une marge bénéficiaire satisfaisante.

C'est un tout autre aspect des problème; agricoles qu'a traité Youri PETCHENKINE, chercheur en économie et en droit international, secrétaire du bureau de l'information au ministère des affaires étrangères de l'Union Soviétique qui a brossé une vaste fresque historique du parcours très particulier de l'agriculture soviétique depuis 1917. Après avoir souligné les succès initiaux de la "Nouvelle Politique Economique" . des années 20, l'orateur a démontré lés mécanismes de l'effondrement de la production, à partir des décisions de collectivisation totale forcée prises en 1929. II a dégagé la complexité des rapports entre le statut foncier dé la terre, son usufruit et sa productivité et conclu sur les mesures de libéralisation très récentes (juillet 1990) prises par le gouvernement soviétique.

Jacques LECOMTE, directeur de recherche à l'INRA (2) a montré par de nombreux exemples (intrants, remembrements, drainage, irrigation, érosion., etc.) l'interaction profonde entre l'activité agricole et l'environnement, préciser chaque fois que nécessaire que tout excès dommageable touchait en premier lieu l'agriculteur lui-même. La prise de conscience de ces différentes atteintes à l'environnement lui paraît devoir conduire d'une part à un encadrement plus strict de l'agriculteur conventionnel, d'autre part à la recherche d'autres formes d'agriculture.

Max RIVES, directeur des recherches à l'INRA, a présenté, de façon détaillée, la par de l'amélioration des variétés dans l'augmentation générale de la production agricole. Son exposé a ouvert un débat vivant à propos de l'exploitation des ressources génétiques dont la plupart proviennent des R.E.D..

Philippe EGGER, représentant du Bureau International du Travail (Genève), a rappelé les dimensions sociale et mondiale de l'évolution de l'agriculture. II a souligné qu'aucun progrès technologique n'était sans effet sur la situation sociale des agriculteurs et que spécialement dans les R. E. D. (1), beaucoup des innovations qui ont permis des gains, de productivité se sont soldées par une marginalisation accrue des petits paysans et donc une augmentation de la pauvreté de ces populations.

André DUMONT, chercheur. Biotech (Gembloux, Belgique) , à présenté des arguments très illustrés en faveur des techniques agrosylvicoles en régions tropicales sèches la désertification, qui progresse à pas de géant, peut être enrayée en développant des techniques de production fondées sur le savoir-faire ancestral des paysans africains: Associant l'arbre, l'homme, la culture et leur environnement, ces techniques commencent à faire preuves dans Ies régions dont la dégradation écologique est avancée et permettent de reconquérir certaines de celles qui sont devenues impropre à la culture.

Muriel SARAGOUSSI, chercheur à l'Institut de recherches sur l'Amazonie, coordinatrice du Forum Permanent sur l'Amazonie et déléguée élue au Congrès des Peuples, a souligné l'importance de l'environnement, spécialement de la forêt, dans la mise en place des structures mentales des populations, lesquelles sont seules aptes à gérer efficacement des milieux aussi complexes. Partant du savoir-faire des Indiens d'Amazonie, elle a clairement défini les principes d'agrosylviculture sans lesquels la forêt ne pourra être préservée.

Enfin, Laurence TUBIANNA, chercheur à l'INRA et présidente de "Solagral" a explicité la grande complexité des mécanismes régulateurs de la production agricole mondiale et montré en quoi la subordination des économies agricoles locales aux seules lois du marché mondial pouvait avoir ries effets pervers sur la production et sur la situation sociale des populations. Les négociations de type GATT en particulier, si elles parviennent en partie à limiter les dégâts, sont impuissantes à créer les conditions d'un rééquilibrage 'équitable entre les nations dominantes et les nations dominées.

Deux films vidéo " sucre amer " et " les semences du développement " présentés par André DUMONT ont fortement impressionné l'assistance en montrant les conséquences dramatiques du modèle dominant de développement actuel, qui détruit sa propre base sociale aussi bien dais les régions nanties (ici, le Texas) que dans les régions économiquement dominées (ici, le Nordeste brésilien).

Renée Marchand
pour le journal "Sud-Ouest"

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1. R.E.D. : "Régions Economiquement Dominées" (voir
fr132.htm)

2. INRA : Institut National de Recherche Agronomique (France)

 

 

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