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(63,4) Juillet 1999
Chaque année, l'Afrique célèbre le 16 juin la " Journée de l'Enfant Africain " en mémoire des enfants massacrés le 16 juin 1976 à SOWETO. C'est l'occasion pour chaque Etat, en particulier le nôtre, de faire une évaluation sur la manière dont est appliquée la Convention relative aux droits de l'enfant ratifiée par notre pays en 1976.
Le Groupe Jérémie, soucieux du respect de la dignité humaine, profite de cette occasion pour se joindre à d'autres dignes fils de cette Afrique, pour réfléchir sur le sort de l'enfant congolais kivutien dans cet environnement trouble de guerre et de conflits armés.
I. Des Droits de l'enfant
Comme les autres instruments juridiques relatifs à la protection des droits de la personne humaine, la convention relative aux droits de l'enfant, reconnaît entre autres droits à l'enfant :
Cela suppose :
- que l'enfant doit vivre en famille. Il ne doit pas être séparé de ses parents contre son gré (art. 18 et 9) ;
- qu'il doit bénéficier des soins de santé et de tous les services médicaux (art. 24) ;
- qu'il doit jouir des conditions favorables susceptibles de l'aider à avoir une alimentation suffisante et une nutrition équilibrée (art. 27 alinéa 3).
- contre toute forme d'exploitation telle que l'exploitation économique (art.32)
- contre la prostitution, le viol, le vol d'enfants (art 34)
- contre le mauvais traitement (art 19)
- contre l'enrôlement dans les forces armées des mineurs, c'est-à-dire les
enfants de moins de 18 ans (art 38)
- l'enseignement primaire gratuit et obligatoire
- l'accès facile à l'enseignement supérieur en fonction des capacités de chacun
· Le droit à un nom et à une nationalité : cela suppose un enregistrement préalable (dès sa naissance) par une autorité de l'état civil (art 7)
II Actualité des droits de l'enfant au Sud-Kivu
A l'heure où l'UNICEF a placé la journée du 16 juin 1999 sous le thème " L'enfant et l'éducation à la paix ", alors que certains pensent plutôt à des festivités en faveur de l'enfant, il est utile de ne pas se voiler la face et de jeter un regard sans complaisance sur l'actualité des droits de l'enfant au Kivu, en vue de réparer ce qui peut l'être encore et de tirer des leçons pour l'avenir.
Depuis le déclenchement des hostilités, les massacres commis dans beaucoup de coins de la région laissent croire que nous ne sommes pas un Etat de droit. La vie, nous y avons droit, mais ce sont les détenteurs de la force qui disposent de nous comme ils le veulent. Cette situation a donc créé beaucoup d'orphelins, séparé de nombreuses familles et jeté plusieurs personnes dans l'errance.
Les parents qui n'ont plus perçu leur salaire depuis plus de 12 mois ne peuvent rien contre la malnutrition qui frappe non seulement ces enfants traumatisés, mais aussi les adultes. A cela, il faut ajouter la destruction systématique et parfois programmée du tissu économique par les belligérants à travers les actes de pillages et d'incendies. Les soins deviennent inaccessibles dans les milieux ruraux surtout.
Les mêmes actes de barbarie ont entraîné la fermeture et la destruction des écoles sur la quasi-totalité des territoires de la province. Et en ville où fonctionnent actuellement les écoles, les conditions de vie difficiles pour les parents multiplient le nombre d'enfants non-scolarisés versés dans la " débrouillardise " : portefaix, mendiants professionnels, domestiques précoces, enfants charretiers, enfants bonnes, prostituées, drogués, enfants-soldats (kadogo), etc...
Par ailleurs, nous assistons à une scolarisation au rabais qui résulte de la modicité de la prime, incapable de motiver les enseignants. Dans ces conditions, le climat de travail intellectuel, quand il existe encore, est compromis par la surpopulation des classes. En effet, des milliers d'enfants qui étudiaient dans les milieux ruraux ont pu se faire inscrire dans les établissements scolaires de la ville. En outre, le manque de motivation chez les élèves lié au fait que jusqu'ici les copies des examens d'Etat ne sont pas encore corrigées rend la discipline intenable dans la plupart des institutions scolaires et universitaires, et même l'avenir incertain pour les finalistes de 1998 surnommés aujourd'hui les " sans-papier ".
Que faire pour atténuer les souffrances de l'enfant et faire respecter ses droits ?
III. Recommandations
Etant donné que cette deuxième guerre, appelée aussi abusivement " guerre de libération ", a accru les exactions et la souffrance de la population et que les enfants en sont les premières victimes, nous recommandons ce qui suit :
1. L'arrêt immédiat des hostilités, le retrait des forces non invitées et l'ouverture des négociations (cfr. " Résolution 1234 " des Nations-Unies sur la RDC) ;
2. La mobilisation de la communauté internationale pour d'une part exiger l'application concrète et effective de la " résolution 1234 " par toutes les parties en conflit en RDC et d'autre part apporter une aide humanitaire d'urgence à la population. Cela pour soulager la misère du peuple et arrêter la malnutrition chronique des enfants ;
3. Que l'UNESCO, le RCD et le pouvoir légal de Kinshasa trouvent rapidement une solution concertée afin que les copies de nos finalistes des éditions 1998 et 1999 puissent être corrigées, et qu'un accord soit trouvé particulièrement pour les examens d'Etat 1998-1999 ;
4. Que les parents qui se sont dévoués tant pour l'éducation des enfants renforcent davantage leurs liens de solidarité et accordent une attention particulière aux orphelins, victimes des violations des droits humains ;
5. Que ceux qui parlent au nom du peuple s'investissent effectivement dans le respect des droits humains en général et des droits de l'enfant en particulier.
Bukavu, 16 juin 1999
Le GROUPE JEREMIE
Cet article distribué le 15 juin est le dernier qu'ait pu produire cette ONG de défense des droits humains et de soutien à la scolarité des enfants. Ce même jour, un groupe armé ruandais a investi et vidé le siège de l'organisation. Depuis, le Groupe Jérémie essaie de faire valoir ses droits et recherche l'appui des organisations qui partagent avec elle les mêmes idéaux de justice et de non-violence. Renseignements par courrier électronique uniquement auprès du Comité de Solidarité Palermo-Bukavu (Italie) congosol@neomedia.it.
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