L'hommage du Brésil à Josué de Castro le visionnaire
Article publié le 03 Octobre 2008
Par Jean-Pierre Langellier
Source : LE MONDE DES LIVRES

Le Brésil redécouvre, en célébrant le centenaire de sa naissance, l'un de ses plus grands penseurs, Josué de Castro (1908-1973), auteur en 1946 d'un livre retentissant, Géographie de la faim. Cet ouvrage, traduit alors en 25 langues, inspira, par son caractère universel, l'action de plusieurs générations de sociologues et d'économistes un peu partout dans le monde. Il retrouve une nouvelle jeunesse au moment où le spectre de la faim a resurgi sur fond d'émeutes et de flambée des prix agricoles. Josué de Castro est un enfant du Nordeste, la région la plus pauvre du Brésil. Né à Recife, la capitale de l'Etat de Pernambouc, il est docteur en médecine à 21 ans. Inlassable touche-à-tout, il étend vite son horizon.

Rappelons que Josué de Castro, médecin brésilien né à Recife dans le Nord-Est du Brésil, alors zone de sous alimentation chronique et de graves crises alimentaires en cas de sécheresse, s’intéressa très jeune à cette question comme en témoigne son ouvrage de 1932, O problema fisiológico da alimentação no Brasil. Aujourd’hui un peu oublié en France, il a été mondialement connu, publié et traduit, en particulier ses ouvrages Geografia da fome ( (1946) - Géographie de la faim - et Geopolítica da fome (1949) - Géopolitique de la faim. Il a mené de front une carrière académique, et une carrière politique afin de contribuer à mettre en oeuvre ses idées sociales, et il a notamment défendu l’instauration d’un salaire minimum et la mise en place d’une réforme agraire au Brésil. Trente cinq ans après son décès, de nombreux scientifiques au Brésil et dans le monde, ainsi que des mouvements politiques (Les Sans Terre, Via Campesinas, les altermondialistes...), se réclament pour partie de la pensée de Josué de Castro. Au Brésil, le président Lula Da Silva y fait référence pour la part « faim zéro » de son programme de gouvernement.

Après avoir été professeur de physiologie à l’Université de Recife, Josué de Castro fut successivement professeur de géographie humaine à l’Université de Recife, professeur d’anthropologie à l’Université du District Fédéral, professeur de géographie humaine à la Faculté nationale de Philosophie de l’Université du Brésil, enfin professeur associé au Centre universitaire expérimental de Vincennes de 1968 à son décès. Fondateur au Brésil du Service central de l’alimentation, transformé en Service de l’alimentation et de prévoyance sociale, il fut ensuite l’Initiateur et le directeur de l’Institut de Nutrition de l’Université du Brésil, membre du Comité consultatif permanent sur la Nutrition de la FAO, puis le second président de la FAO, le président de l’Association mondiale de lutte contre la faim, le président de l’Association médicale internationale pour l’étude des conditions de vie et de santé, le président du Centre international pour le développement. Contraint de s’exiler à Paris en 1964 il y a publié plusieurs de ses travaux. Il fut parmi les personnalités qui ont mis en œuvre la première Conférence internationale sur l’Environnement, à Stockholm, en 1972.

A l’université de Vincennes, Josué de Castro a soutenu l’introduction parmi les enseignements, de l’écologie humaine dans sa dimension à la fois "scientifique" et politique, ce qui était alors une innovation dans l’université française, et dans la manière d’interpréter les questions du Tiers Monde.

==============

Médecin, géographe, sociologue et homme politique brésilien, Josué de Castro a été un pionnier de la lutte contre la faim dans le monde. Il est l'un des premiers à avoir sensibilisé l'opinion publique et des organisations telles que les Nations unies à la problématique de la faim, en l'inscrivant dans une perspective économique, sociale et biologique, et en affirmant qu'il s'agissait d'un drame universel, qui concernait l'ensemble de la planète.

En juin 1960, André Raynauld s'entretient avec lui lors de son passage à Montréal pour suivre les travaux de l'Association mondiale de lutte contre la faim (ASCOFAM), qu'il a créée deux ans plus tôt. Castro explique pourquoi il a choisi d'établir le siège social de l'ASCOFAM à Montréal, et parle des enjeux liés aux problèmes de la faim dans le monde, dont il estime qu'ils représentent des dangers plus grands que ceux engendrés par l'existence de la bombe atomique.

• Né le 5 septembre 1908 à Recife, au Brésil, Josué de Castro est mort en exil le 24 septembre 1973, à Paris.

• Josué de Castro a défini ainsi le problème de la faim : « La faim, c'est l'exclusion. Exclusion de la terre, du revenu, du travail, du salaire, de la vie et de la citoyenneté. Quand une personne en arrive au point de ne plus rien avoir à manger, c'est que tout le reste lui a été dénié. C'est une forme moderne d'exil. C'est la mort dans la vie. »

• André Raynauld est né le 20 octobre 1927 à Sainte-Anne-de-la-Pocatière (Québec). Éminent économiste, il a contribué à l'essor du département de sciences économiques de l'Université de Montréal, qu'il a dirigé et où il a enseigné de 1954 à 1971. Très actif, il a notamment été conseiller et membre de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme de 1964 à 1970, président du Conseil économique du Canada de 1971 à 1976, et député libéral provincial d'Outremont de 1976 à 1980. Il a été fait officier de l'Ordre du Canada en 1986.