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Somme Mondialiste

brochure n° 19

FAIM ET DEVELOPPEMENT
Introduction

Le phénomène de la Faim dans le Monde n'est pas un phénomène-fléau quoi qu'on en dise, lorsque survient une sécheresse : il est le résultat de l'inorganisation de la collectivité mondiale, de l'absence d'une politique planétaire, de l'inexistence de structures aptes à sauvegarder les intérêts vitaux des hommes et de la méconnaissance des règles de la diététique naturelle.

Cette évidence, les " Citoyens du Monde " la proclamèrent déjà il y a plus de vingt ans, en ne se faisant que trop rarement comprendre.

D'ailleurs, Lord Boyd Orr, Citoyen du Monde, Prix Nobel de la Paix, premier Président du Conseil d'Administration de la F.A.O. et président du M.U.F.M. avait proposé la création d'un ministère mondial de l'Alimentation, pour éviter la famine. Nous pouvons dire aujourd'hui que ce grand mondialiste avait raison, car non seulement les problèmes de la faim dans le monde n'ont pas été résolus, mais, au contraire, ils se sont sérieusement aggravés.

Aujourd'hui, cette certitude mondialiste est devenue perceptible pour une partie assez importante de l'opinion. Nous posons alors, de façon plus détaillée, les questions suivantes :

  • Que faut-il pour extirper la faim et mettre en route un processus de développement mondial ?
  • Est-ce possible ? et si oui, par quelles voies a-t-on les meilleures chances d'y parvenir ?

prévenons tout de suite le lecteur qu'il ne peut poursuivre cette lecture que s'il ne craint pas d'envisager un futur profondément différent de la situation existante. Pour bien marquer en cette matière l'inutilité de la trop grande prudence et des analyses que leurs auteurs disent " raisonnables " sous prétexte qu'elles sont à courte vue, nous rappelons ici Maurice Guernier, l'auteur de la " Dernière chance du Tiers-Monde " d'après les citations de Jean Perrin et Gaston Bouthoul :

" Imaginons une conférence Mondiale siégeant au XVIIIème siècle et ayant pour objet l'avenir des grands moyens de transport.

Sans nul doute, les discussions auraient été consacrées à l'amélioration de la race chevaline et au perfectionnement des techniques de suspension et de traction des carrosses.

Imaginons qu'un participant lance alors, dans le débat, cette phrase : ces recherches sont sans issue, orientons-nous plutôt vers l'eau bouillante et la rotation des aimants.

Cet homme, qui aurait sous doute soulevé l'hilarité générale, aurait été un parfait prospecteur ".

Les Citoyens du Monde pensent qu'il en va de même dans les domaines politiques et économiques : il nous faut imaginer et construire un système idéal correspondant aux problèmes du futur et destiné à devenir la réalité de demain...

Nous nous efforcerons donc d'être des prospecteurs les moins imparfaits possible, ou, plus précisément, de donner une vue d'ensemble à partir des avis de spécialistes réputés pour leurs travaux sur la faim, le Tiers-Monde et le développement.

L'intégration de ces avis à l'idée mondialiste sera-t-elle facile ? Oui, dans la mesure où les spécialistes dont nous parlons en viennent nécessairement à se réclamer du mondialisme sous une forme ou sous une autre, en viennent même, très fréquemment aux " citoyens du Monde ". Non, dans la mesure où la crise de régime du monde est comme un iceberg dont nous reconnaissons ensemble l'existence, mais dont la configuration de la partie immergée fait l'objet d'hypothèses différentes.

Ces diverses manières de voir la situation existante et de prévoir les solutions possibles, nous essayons le plus possible de les prendre toutes en compte dans notre esquisse rapide des principaux aspects du problème.

Nous nous garderons d'imposer au lecteur un e vue soit optimiste, soit pessimiste, d'affirmer ou d'infirmer que le développement exige d'abord de limiter les naissances ou de désarmer pour disposer des capitaux nécessaires aux pays pauvres, ou de détruire les structures de domination des pays nantis, ou encore que telle ou telle autre stratégie plus subtile est seule valable..

C'est à chacun de nous, dans le cadre de ses responsabilités de citoyen du monde, chercher quelle attitude, en l'état de notre connaissance, lui paraît la plus conforme à la vérité, et quelle action il doit mener en conséquence..

1. ANALYSE DU PROBLEME FAIM

Si nous voulons étudier de près le problème de la faim, nous nous apercevons que celui-ci est placé au centres des préoccupations mondiales, du fait de son intensité, du très grand nombre d'hommes qu'il touche et des troubles sociaux graves qu'il peut provoquer ; aussi, devons-nous essayer de ne pas isoler ce phénomène de son contexte économique et politique. Or celui-ci est aujourd'hui mondial.

La faim, phénomène mondial et non pas fléau naturel, doit être observée mondialement, et les remèdes les plus efficaces surtout à long terme, seront apportés sans nul doute par une action de solidarité et d'organisation à l'échelle planétaire.

Examinant la faim d'un point de vue global, nous pouvons diviser en trois ses principales manifestations :

a) famines totales provoquant la mort : ont peut dire que, dans les siècles passés, elles furent nombreuses et meurtrières dans tous les pays. Dans les dernières décennies, nombreux encore sont les hommes dont le décès peut être imputé directement ou indirectement au manque de nourriture (Inde, Biafra, Nord du Brésil, Sahel).

b) Etats de famine larvés : Sous-nutrition. Encore de nos jours, nous sommes obligés de constater que l'état de sous-nutrition constitue le triste sort de la plus grande partie de l'humanité. Selon Josué de Castro (le Livre noir de la Faim), d'après les résultats de la seconde enquête mondiale sur l'alimentation réalisée par la F.A.O. en 1952, 2 % seulement de la population du globe disposait d'un régime calorique suffisant, soit plus de 2700 calories par jour.

c) les faims spécifiques et les malnutritions ou carences de certains éléments nutritifs sont très importantes et très graves aussi ; on note en particulier les carences en protéines qui sont les plus généralisées dans les pays sous-développés. Une malnutrition qui aboutit enfin au même résultat que la faim spécifique (carences alimentaires) peut être également causée, non par la pénurie d'éléments nutritifs, mais par la mauvaise connaissance et utilisation de ceux-ci ; (exemple : riz décortiqué, manioc, consommation exclusive de maïs, etc. ..)

d) Surnutrition, gaspillage, dénaturation des aliments, insuffisance des recherches sur la valeur des régimes alimentaire et leur coût énergétique. Dans les pays riches, il existe un état permanent de surconsommation qui engendre de nombreuses maladies dont le coût de soins retombe sur la collectivité. La motivation du " profit " conduit à produire des aliments dénaturés, carencés, qui ont coût très cher et dont le pouvoir nutritif est presque nul (pain blanc, sucre blanc ...)

L'insuffisance des recherches et des confrontations sur la valeur diététique des régimes alimentaires et des aliments tels que la viande et les céréales complètes conduit à un gaspillage honteux de l'utilisation des terres cultivables. Il faut 5 fois moins de surface pour nourrir des hommes avec des céréales qu'avec de la viande.

La plupart des aliments dénaturés deviennent toxiques et engendrent de nombreuses maladies dites " de civilisation " ; ils accélèrent la dégénérescence physique et morale de l'humanité.

C'est par une meilleure éducation qu'on pourra venir à bout de cette forme de malnutrition.

Tous ces aspects du phénomène(faim que l'on découvre surtout dans le Tiers-Monde, mais aussi dans les couches pauvres de la population des pays industrialisés son, évidemment, grandement préjudiciables à la vie, à la santé physique et psychique de l'homme et à sa dignité, et il serait grand temps que les pouvoirs publics nationaux et internationaux coopèrent au-dessus de leurs intérêts égoïstes pour y mettre un terme.

Nous comprenons aisément que les solutions susceptibles d'être apportées dans le domaine de la faim dans le monde soit étroitement liés au problèmes du développement économique. Il est également facile de comprendre que ces problèmes de développement doivent être en premier lieu observés d'une manière mondiale, ce qui n'empêche pas de tenir compte des impératifs et problèmes particuliers aux différentes régions du globe.

2. DEVELOPPEMENT

Qu'appelle-t-on " Développement " ?

On a coutume d'appeler " développement ", l'ensemble des actions économiques, politiques et culturelles capables d'amener les peuples ou nations à entreprendre et réussir une extension ou croissance progressive de leur économie, de leur niveau de vie, de leurs connaissances de base, et, par conséquent, leur véritable LIBERTÉ.

Pour nous, Citoyens du Monde, développement = progrès harmonieux des peuples.

A. PAYS INDUSTRIALISÉS

Pour pouvoir comprendre les mécanismes qui interviendront dans le processus du développement des régions actuellement sou-développées de la terre, il est nécessaire d'analyser les différentes étapes du développement des pays industrialisés ; dans cette analyse, on constate que l'extension progressive des économies a été, au début, très lente (faibles moyens de connaissance et de production). On peut penser que cette lente extension était adaptée à la faible augmentation démographique des temps anciens.

Premier stade : De l'économie de chasse et de cueillette vers l'agriculture et l'artisanat familial. C'est le temps des tribus, invasions, féodalités régionales.

Deuxième stade : L'économie est caractérisée par l'agriculture, l'artisanat, la petite industrie, l'extension du commerce,. La dissémination des points de petite richesse malgré la suprématie féodale encore forte, prépare les débuts du capitalisme.

C'est le temps des arts, des premières inventions et des conquêtes coloniales, puis des révolutions politiques qui achèvent la destruction des féodalités et amorcent une prise de conscience des droits de l'homme.

Troisième stade : R2volution agricole, révolution industrielle. Née en Grande Bretagne, la révolution industrielle fut précédée par une forte extension de l'agriculture commerciale.

La production agricole ayant augmenté rapidement, l'augmentation du niveau de vie a commandé une plus importante consommation de produits non strictement alimentaires pour la nouvelle classe agricole de Gentlemen Farmers et libéré des productifs et des capitaux qui ont débuté l'industrialisation. Malgré les frontières, ce procédé s'est rapidement étendu dans tous les pays occidentaux. C'est le XVIIIème siècle, suprématie de la bourgeoisie, prise de conscience des travailleurs, exploitation brutale des colonies et du prolétariat.

Quatrième stade : C'est le stade contemporain du développement : capitalisme tempéré par des lois sociales en occident, révolutions prolétariennes qui accélèrent les mouvements de développement et transforment l'économie en un système collectif dans certains pays.

On note l'accession des couches laborieuses aux biens de consommation, ce qui stimule les économies nationales, avec pour revers les oppressions et dangers de la société de consommation.

C'est aussi le temps des absurdes guerres mondiales qui amènent le déclin des empires coloniaux. C'est également le début de l'explosion démographique.

Cinquième stade : Nous débutons ce stade ...

Il est caractérisé par de nombreuses contradictions :

  • formidables progrès de la science
  • début de l'ère interplanétaire
  • sous-alimentation et sous-développement des 2/3 de l'humanité ...
  • naissance des grands moyens d'information qui peuvent rapprocher les hommes et de l'informatique qui, bien employée, pourrait aider à leur harmonieux développement...
  • risque de guerre atomique et .. ; risque de pollution et formidables et absurdes dépenses d'armement (plus de 200 milliards de dollars par an dans le monde).

A l'heure actuelle, il est impossible de dire si les hommes contrôleront ce stade de manière satisfaisante pour l'humanité.

ais cette analyse sommaire du développement des pays riches nous amène à réfléchir sur la possibilité pour les couches actuellement défavorisées de la population mondiale, de suivre un chemin identique pour assurer leur propre développement. Nous devons nous rendre compte que certaines de ces populations sont encore au stade de l'économie de cueillette et que les pays occidentaux ont mis des siècles pour passer de ce stade au développement industriel actuel.

B. PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT

a) Il nous apparaît nécessaire d'étudier quels sont les mécanismes qui ont empêché les pays ou populations appelés aujourd'hui " sous-développés " (Amérique latine, Afrique, Moyen-Orient, Inde, Extrême-Orient) d'accéder à leur tour au développement industriel.

b) Tous les économistes sont d'accord pour dire que " la révolution industrielle, source de la dissémination des biens matériels de consommation dans l'ensemble d'une communauté géographique donnée, ne peut intervenir qu'après que des surplus durables de la production alimentaire n'aient rendu possibles, par détournement des activités agricoles vers l'industrie et par l'élévation du niveau de vie des populations rurales, une production et une consommation importantes de produits non strictement alimentaires " (Paul Bairoch, " Le Tiers-Monde dans l'impasse ".)

Robert Buron disait d'autre part que l'industrialisation française a été possible grâce aux 4000 heures de travail fournies annuellement par les paysans pendant des siècles. Or, il y a seulement une vingtaine d'années, la plupart des pays qui forment aujourd'hui le Tiers-Monde étaient colonisés et leur agriculture était, soit inexistante, soit dirigée vers une monoculture au service des colonisateurs. Pour d'autres pays d'Extrême-Orient ou d'Amérique latine, etc. leur faible degré d'instruction et l'état peu développé des techniques d'information d'alors, ne leur ont pas permis d'effectuer les améliorations nécessaires dans l'agriculture, d'autant plus que souvent ces améliorations auraient nécessité et nécessiteraient encore de grands investissements de mise en valeur (assainissement, irrigation, etc. ) qui n'ont pas été faits en temps voulu.

Il faut remarquer également :

1°) Que les pays riches ont effectué leur révolution industrielle en " circuit fermé " à cause des importants coûts de transport limitant les échanges et à l'abri de sévères barrières douanières ; les pays du Tiers-Monde (non communistes) doivent effectuer la leur dans un système " d'économie d'échange " très ouvert, où la division du travail ne leur est pas du tout favorable ; la détérioration des termes de l'échange en est la preuve.

Pour que les échanges internationaux puissent être quelque peu favorables aux peuples du Tiers-Monde, il faudrait au moins que ceux-ci importateurs de produits industriels finis, aient une productivité agricole et minière suffisante pour exporter en échange une partie de leurs ressources (toute richesse vient de la terre), sans nuire à leur consommation intérieure, ce qui n'est certainement pas le cas actuellement.

2°) Plus les années passent, plus le grand handicap au développement, c'est-à-dire l'explosion démographique, prend de l'ampleur.

3°) Il faut se rendre compte aussi que la haute technicité nécessaire à la fabrication des produits finis (voitures, appareils ménagers, électroniques), empêchera pendant très longtemps encore ces pays d'équilibrer leurs échanges avec une production de ces produits destinés à l'exportation... (les jutes et nylons fabriqués dans de petites usines du Bangla-Desh sont pratiquement invendables en France dans leur état actuel de finition).

Nous avons fait une analyse des raisons ou mécanismes techniques qui tendent à bloquer le décollage des régions sous-développées du globe.

Nous devons également rechercher les raisons ou mécanismes politiques ou économiques qui peuvent entraver ce processus de développement.

On peut dire que les séquelles de l'exploitation coloniale qui se font encore sentir dans beaucoup de pays nouvellement indépendants, font ressortir les grandes responsabilités des régimes coloniaux : par exemple, la pratique de la monoculture destinée à l'exploitation, la pénétration trop rapide et non équilibrée sur le plan social de la médecine de survie responsable en partie de l'explosion démographique, la perpétuation des régimes féodaux sur lesquels s'appuyait la colonisation, furent des facteurs extrêmement nuisibles au développement dans certaines régions.

De nos jours, une des causes de déséquilibre du développement dans le Tiers-Monde, réside dans la suprématie des sociétés multinationales dans l'économie des pays pauvres.

Ces sociétés, sans attaches nationales particulières, se jouent, pour réaliser leurs bénéfices, de lois différentes dans chaque Etat ; possédant un capital plus important que le budget de certains pays sur lesquels elles exercent un pouvoir économique presque souverain, elles investissent là où se trouvent des possibilités e "e rentabiliser leurs capitaux, sans tenir compte des nécessités humaines.

Ce problème très important du pouvoir économique des sociétés multinationales sera d'ailleurs étudié dans la brochure n° 35 de la Somme Mondialiste, mais là encore, on voit mal comment un véritable remède peut être apporté, si l'on reste dans le système actuel des Etats entièrement souverains.

Il semble bien que la solution des échanges totalement libéraux et concurrentiels doive être abandonnée pour permettre le développement des peuples du Tiers-Monde.

Nous arrivons à une constatation philosophique et politique : les hommes ne réaliseront jamais un complet développement sans l'aide d'une véritable solidarité mondiale.

Ce qui implique

  • des lois à l'échelon supranational en matière d'échanges entre peuples
  • investissements dans les régions pauvres du globe
  • répartition des retombées et profits industriels
  • aide totale consentie sans remboursement.

(Au sujet de cette aide, remarquons que, dans un système mondialiste, la réduction ou la quasi-suppression des armements mettrait des sommes fabuleuses au service de cette œuvre humanitaire).

3. AIDE ACTUELLE AU DEVELOPPEMENT

Depuis quelques décennies, la pression de l'opinion publique internationale à l'ONU, les risques d'explosion de la violence, le chantage et la surenchère entre les deux blocs, ont amené les pays riches à exercer une certaine action d'aide vis-à-vis des pays pauvres. C'est l'aide du fameux 1 % du P.N.B. rarement atteinte d'ailleurs, et concrétisé surtout par l'aide bilatérale.

Or, cette aide bilatérale, acceptable à court terme, s'avère à notre avis très néfaste à moyen et à long termes.

Selon Guy Marchand " Un ou Zéro " pages 71 et 72, " l'aide bilatérale est nuisible, cette aide de nation à nation n'est qu'une nouvelle forme de colonisation, de paternalisme, de soumission du faible devant le fort ". Révocable à tout instant, elle implique en effet l'obéissance absolue de celui qui reçoit, envers le pays, le bloc de pays, ou l'idéologie des donateurs.

Ce système de prêts consentis implique des endettements pécuniaires tellement forts qu'on a vu certain pays n'emprunter plus que pour rembourser d'anciennes dettes.

Du fait du caractère bilatéral d'état à état de cette aide, aucun contrôle de répartition ne peut être vraiment exercé par un Organe Mondial de sorte que certains pays pauvres, gouvernés d'une manière féodale, installent, grâce à cette aide, des minorités politiques ou administratives vivant dans le luxe, alors que le peuple reste dans une situation de misère totale et qu'aucune infrastructure agricole ou industrielle n'est mise en place.

Un journaliste allemand a trouvé à cette situation d'aide un raccourci saisissant : " l'aide au développement, c'est lorsque les pauvres des pays riches aides les riches des pays pauvres ".

Toutefois, de nombreuses associations privées de coopération existent, non plus d'état à état, mais de populations à populations : leur caractère malheureusement uniquement charitable les empêche souvent d'avoir une action politique globale importante.

Elles sont cependant, peut-être, malgré leur appellation de " micro-réalisation " ou " jumelage de coopération inter ville, le plus grand espoir des pauvres du monde entier, à condition toutefois que leur action ne soit pas entravée, comme c'est le cas trop souvent, surtout en matière d'information, par les impératifs des égoïsmes nationaux et de la diplomatie internationale. Par exemple, en 1973, le ministre français des Finances décidait une " Journée Mondiale du Développement " qui s'est tenue en octobre à Paris : or, la plupart des Associations non-gouvernementales d'aide au Tiers-monde ne purent participer à cette journée.

Cette Journée Mondiale devait d'ailleurs se répéter dans les années à venir ; et cela justifierait de la part de ces associations une vigoureuse action auprès des pouvoirs publics pour assurer leur participation de plein droit.

Là encore, pour que le peuple puisse aider le peuple sans entraves gouvernementales de toutes sortes, il est nécessaire que soit créé un Organisme supranational, dégagé des pouvoirs politiques nationaux et dont les responsables seront élus d'une manière transnationale.

4. STRUCTURES NECESSAIRES AU DEVELOPPEMENT MONDIAL

Nous avons admis la nécessité de promouvoir le développement sur le plan mondial et reconnu le caractère illusoire et dangereux de l'aide bilatérale. Il nous faut maintenant déterminer dans les grandes lignes, quelles sont les structures qui seront nécessaires à la mise en œuvre d'un tel développement, et, pour cela, en distinguer les éléments principaux :

1°) DEVELOPPEMENT AGRICOLE

a) Face à l'intensité des famines et sous-nutritions qui existent dans le monde et ne peuvent que s'accentuer, c'est, de l'avis général, le développement des secteurs agricoles qui doit intervenir en premier lieu.

Sur le plan mondial, des études globales sur les besoins et les possibilités d'avenir en matière d'alimentation doivent être effectuées et, surtout, suivies d'actions d'envergure pour la mise en valeur de certaines régions, la redistribution des terres arables, l'assainissement et l'attribution de subventions pour les populations rurales les plus pauvres du globe.

b) Une Organisation mondiale de stocks régulateurs et d'absorption des surplus et service humains inemployés, doit être créée en vue de canaliser les possibilités économiques négligées, et afin de pouvoir alimenter, en cas de disette, en partant des surplus de certains pays, les habitants des régions touchées.

L'Organise en cause pourrait comprendre la création d'une Coopérative Internationale des Produits excédentaires, d'un Officie International de la Main-d'œuvre, d'une caisse de péréquation des prix.

Un tel Organisme nécessite d'ailleurs la création d'un édifice monétaire international ou d'une monnaie mondiale d'échange ... (ces questions monétaires rejoignent les études de la Brochure n° 17 de la Somme Mondialiste).

De même, si l'on veut s'attaquer sérieusement au problème de la faim, il est nécessaire de créer un Office Mondial de la Régulation démographique.

D'ores et déjà, des organismes tels que la F.A.O., le P.A.M., etc., s'ils étaient dotés de pouvoirs réels s'appuyant sur un processus démocratique supranational, pourraient constituer le départ d'une telle structure.

2°) LE DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL.

Issu des grandes inventions, le développement industriel, source de profits particuliers, peut et doit être source de bien-être pour le plus grand nombre d'humains et permettre en particulier, le rattrapage du niveau de vie des plus déshérités.

Pour ceci, il est nécessaire de mettre en œuvre en premier lieu une politique d'investissements, de mise en valeur, sur le plan mondial, après étude par un Organisme international de l'informatique, des besoins, moyens et possibilités globales d'avenir dans cette matières (mise en valeur des déserts, infrastructure routière et industrielle dans de nombreux pays).

Mais, à cause de l'inévitable corollaire du développement industriel qui est la pollution, et compte tenu de la rareté de certaines matières premières, ces problèmes de répartition du développement industriel devront être traités, surtout vis-à-vis des pays actuellement sous-développés, dans un grand esprit de justice et d'équité, et non plus dans un affrontement d'intérêts que représente la jungle internationale actuelle.

Là encore, un Organisme ne sera crédible que s'il est appuyé sur un processus démocratique mondial.

Pour mettre en œuvre une telle entreprise avec un minimum de " consensus populaire ", l'organisation d'une tribune internationale telle que le " Congrès des Peuples " s'impose, afin de traduire, de manière concrète, les aspirations des différentes parties et créer, au niveau planétaire, un nouveau " dynamisme démocratique ".

On peut envisager que des Organisations Mondiales, totalement déconnectées des pouvoirs nationaux puisent avoir, dès aujourd'hui, une forte action d'information et d'éducation des masses, tant pour permettre l'acceptation de certains sacrifies chez les plus riches que pour aider les plus pauvres dans leur lutte difficile pour la limitation démographique, et leurs efforts surhumain pour accéder à un rapide développement.

C'est donc, en définitive, la coopération entre ces différents organes de régulation rationnelle à rouages multiples et d'information et éducation, qui peut faciliter le progrès humain, au poindre risque, et dans la dignité.

PREALABLES A UNE STRATEGIE DU DEVELOPPEMENT

Nous avons énuméré les raisons les plus courantes du sous-développement et esquissé dans leurs grandes lignes les principes, les structures d'une société mondiale résolue à mettre un terme à la faim et à la misère. Tout cela dans l'idéal. Il reste à savoir comment de tels résultats ont les meilleures chances d'être atteints, c'est-à-dire quelle stratégie devrait être adoptée.

A cet égard, nous ne croyons pas qu'il faille rechercher une formule rigide, monolithique : les citoyens du monde sont marqués par des conditions d'existence, des civilisations et des cultures, des philosophies et religions, des options de toutes sortes, trop diverses, pour être enclins à emprunter tous la même voie vers un monde uni.

Tous se doivent néanmoins de tirer la leçon des expériences - et surtout des échecs - de ce dernier quart de siècle en matière de développement. A ce titre, nous croyons qu'il leur est possible d'admettre ensemble quelques propositions telles que :

1) Le développement n'est pas seulement une question d'organisation de la production, ou de procédés économiques et monétaires visant à une répartition plus saine des richesses et du travail, ou d'équilibre démographique, ou d'éducation - sanitaire, alimentaire, générale - adaptée à la spécificité de chaque population intéressée. Le développement est complexe et englobe tous ces facteurs à la fois. De plus, il ne faut pas le considérer comme une sorte de médecine miracle que l'on administre sans chercher à savoir l'idée que s'en font ceux à qui il est destiné. Il conviendrait même que le premier souci des " développeurs ", dans la mesure où la liberté leur en est laissée, fût d'exploiter tout potentiel de vitalité des populations concernées pour qu'elles trouvent l'espoir et la volonté d'échapper à leur condition de misère.

2) Cette " dynamique à la base " ne pourra s'étendre avec succès à travers le monde que si des réseaux de solidarités multiples se tissent à travers tous les niveaux jusqu'au plan mondial, chaque participant prenant conscience qu'il n'agit pas seulement comme membre d'un groupe ou communauté, comme adepte ou militant d'une cause quelconque, mais aussi comme membre responsable de la communauté humaine.

3) A un certain stade du déroulement de l'action, l'étagement des niveaux de solidarités, les interférences entre les actions menées, justifieront une planification des efforts, avec le souci d'une utilisation optimale des progrès techniques. En l'état actuel de l'économie mondiale, et sous réserve d'examiner les conditions propres à chaque pays, on peut penser qu'une priorité devrait être souvent accordée à tout ce qui concerne l'irrigation, la " révolution verte ", la production massive d'équipements élémentaires comme les charrues à soc de fer. Rationnellement, le processus devrait se prolonger successivement par la formation accélérée des travailleurs, par le développement de la petite et de la moyenne industrie, puis par celui de l'industrie lourde. Cependant, ce schéma idéal doit être amendé, voir bouleversé, lorsque les contingences géographiques, économiques, politiques ou autres l'imposent.

4) Les structures et systèmes existants :

  • - structures féodales maintenues dans une grande partie du Tiers-Monde,
  • - division de la planète en états-nations aux " égoïsmes sacrés ",
  • - système international du " libre-échange " appliqué à l'ensemble de l'économie, y compris aux produits alimentaires essentiels, condamnent toute tentative de développement planétaire.

5) Si mauvais que soient dans leur ensemble les résultats obtenus par les états-nations isolés ou en groupes, et par les organismes régionaux ou internationaux qui en dépendent, on se devra d'exploiter autant que possible tous aspects positifs de leurs expériences, qu'il s'agisse, ici de la transformation de l'économie chinoise, là des opérations pilotes d'une agence spécialisée des Nations Unies, comme la F.A.O., ailleurs d'un système d'aide qui, comme le Plan Marshall, force les pays assistés à s'organiser collectivement, etc. .

*

Ces quelques jalons -qui seraient à compéter - suffisent à faire présager la difficulté de tracer une stratégie qui tienne compte de chacun d'eux. Pour simplifier, disons en commençant que l'on peut envisager l'alternative entre deux attitudes bien tranchées, qui suggèrent deux types de stratégies radicalement différentes :

- ou bien l'on déclare que le monde, au niveau d "e l'ensemble des nations, aussi bien qu'à l'intérieur de chacune d'elles, est divisé en riches et en pauvres, en exploiteurs et en exploités. Et que ceux-là s'opposeront le plus longtemps possible au développement des pauvres. En ce cas, on est conduit à vouloir - au besoin par la violence ou au contraire par l'usage résolu de l'action non-violente - une révolution transnationale qui balaye les structures actuelles de pouvoirs et définisse de nouvelles règles du jeu aux plans économique aussi bien que culturel ou politique, élevant chaque homme au rang de citoyen du monde,

- ou bien, au contraire, on juge trop aventureux de se priver du bon vouloir des forces économico-politiques dominantes et de compromettre le potentiel technologique et financier qu'elles seraient capables de mettre à la disposition des pauvres. En ce cas, on se résout à poursuivre l'action de persuasion auprès des privilégiés en misant sur un éveil progressif des consciences et en admettant qu'à la longue des droits réels seront accordés au Tiers-Monde.

*

On observera que dans la première hypothèse on se prépare résolument à un conflit - sanglant ou non - entre deux blocs : pays nantis contre Tiers-Monde. C'est une perspective redoutable en soi et peut-être porteuse des germes de nouvelles formes de domination d'une partie de l'humanité sur l'autre.

Mais comme dans la seconde hypothèse on s'expose à ne pas aligner des moyens assez efficaces pour transformer la situation en temps utile, la révolte des pauvres apparaît inéluctable et la perspective d'un conflit mondial réapparaît.

La situation serait-elle irrémédiablement bloquée ? Certains au contraire, ont vu dans l'imbroglio international du pétrole, survenu à l'automne 1973, la preuve que les jeux ne sont jamais définitivement faits d'avance. Sans tomber dans les prédictions naïvement et dangereusement optimistes du genre " la voie de développement est maintenant ouverte au Tiers-Monde, grâce à l'arme absolue du pétrole ", on peut estimer que de nouvelles marges de manœuvre sont à découvrir pour les artisans du développement planétaire.

*

En conclusion, il paraît encore prématuré de fixer les termes d'une stratégie mondialisée du développement, mais, dans l'immédiat, les citoyens du monde, à notre sens, pourraient s'accorder au moins provisoirement sur l'attitude suivante :

- ne pas se laisser paralyser par les contradictions entre les deux options évoquées plus haut (supplanter les structures actuelles de pouvoirs ou les adapter progressivement aux besoins les plus criants), et ne négliger aucune des actions possibles visant à sortir de l'immobilisme actuel. L'action de persuasion sera donc poursuivie auprès des privilégiés, mais sans se dispenser des actions pouvant démontrer que leurs pouvoirs autrefois indiscutés sont devenus fragiles et que de nouveaux pouvoirs naissent et promettent de se développer. Cette phase ne sera donc pas celle des luttes décisives, mais de la multiplication des " coups d'épingle " dans l'ordre établi.

En marge de l'action, elle laissera le temps d'approfondir quelques débats essentiels, et, par exemple, de départager peut-être ceux qui, parmi les " libéraux " comme parmi les " socialistes " voient nécessité à ce que l'économie marchande se maintienne quitte à procéder à des synthèses de cette économie et de l'économie planifiée, et les partisans d'une " économie distributive " qui condamnent toute survivance des jeux économiques traditionnels.

Lorsqu'une partie des populations favorisées sera prête aux transformations nécessaires, lorsqu'une part non négligeable des populations exploitées aura acquis et montré sa volonté de changer de condition, lorsque enfin des liens plus solides seront tissés entre les unes et les autres par delà les frontières, l'on pourra préciser vraiment les phases décisives de la stratégie du développement mondial, compris comme l'œuvre collective d'hommes et de femmes appartenant aux peuples les plus divers. A ce moment, en effet, pourront mieux être appréciées les forces qui ont soif des transformations nécessaires et ce qu'elles sont capables de faire.

CE QUE CHACUN PEUT FAIRE DES AUJOURD'HUI

Sans doute, chacun de nous n'a-t-il pas toujours la possibilité à la fois de propager l'idée de citoyenneté mondiale et d'agir en faveur du développement d'une façon aussi diversifiée que celle que nous avons évoquée pour la phase immédiate visant à créer " une situation de mouvance ". Mais nous devons parvenir, par nos efforts individuels ajoutés, à ce que les citoyens du monde, dans leur ensemble, étendent leur action sur toute la gamme des opérations nécessaires ;

Chacun de nous prépare déjà d'une certaine manière les conditions du développement, lorsque, en diffusant l'idée de citoyenneté mondiale, il met l'accent sur sa volonté de sortir la plus grande masse de l'humanité des conditions de vie infra-humaines qui sont les siennes.

Les citoyens du monde des pays riches peuvent aussi apporter leur soutien à de très nombreuses associations qui se consacrent entièrement ou en partie à la promotion du tiers-Monde.

A l'intérieur des syndicats, des partis politiques, d'organismes divers, il peuvent faire prendre conscience des vraies dimensions du problème. Ils peuvent dans des rapports directs avec des travailleurs immigrés, aider ceux-ci à s'organiser et à assumer plus de responsabilités le jour où ils retourneront dans leur pays. Les plus jeunes, lorsqu'ils s'en sentent la vocation, peuvent enfin cherche une activité provisoire ou durable qui les confronte sur place aux problèmes des peuples du Tiers-Monde.

Il est mille et une manières d'œuvrer pour le développement mondial. Les exemples de citoyens du monde comme Michel Cépède, Danilo Dolci, René Dumont ou d'amis regrettés comme Lord Boyd Orr, Robert Buron, Josué de Castro et de beaucoup d'autres sont là pour nous en convaincre.

ETAPE VERS UN PROJET IDEAL POUR ASSURER LES BESOINS FONDAMENTAUX ET LE DEVELOPPEMENT HARMONIEUX DE TOUS.

Un projet idéal pourrait être envisagé en partant de la critique de la situation présente aussi bien que de l'examen des propositions antérieures qui ont été repoussées ou transformées gravement par les organes directeurs intergouvernementaux des institutions de la famille des Nations Unies, en particulier le projet de Lord Boyd Orr pour un Office Mondial de l'Alimentation (1946). Aujourd'hui, cependant, il convient de traiter le problème de la Faim dans le cadre plus large du développement.

Contrairement à la conception qui prévaut " d'aide " au développement des pays en voie de développement par les pays économiquement avancés qui divise le monde en deux blocs d'intérêts antagonistes : " donneurs " et " receveurs " d'aide, il convient de mettre sur pied uns structure de développement de l'ensemble du monde. En effet, comme le montrait Josué de Castro en partant de la comparaison, il y a quelque vingt ans, de la situation de la France et de celle du Venezuela, dont le revenu national par tête était alors analogue, le critère du sous-développement est l'inégalité des revenus ; il en concluait que le monde était sous-développé. Cette approche a en outre l'avantage de remplacer la notion d'assistance par la notion de coopération : chaque groupe - et il ne s'agit plus alors des États-nations - pouvant contribuer, à la mesure de ses moyens (qui ne sauraient être seulement financiers), à l'action du développement, sans entamer son égalité de dignité avec ses autres partenaires, condition indispensable d'une coopération authentique.

" Le développement du monde est une affaire que devrait prendre en charge la communauté humaine sans que les Etats interviennent plus que dans chaque pays les Conseil Municipaux, de Comtés ou de Provinces, avec pour objectif d'assurer la satisfaction prioritaire des besoins des plus pauvres où qu'ils soient et quelles que soient leurs nationalités. "

" Puisque les Nations Unies n'ont, jusqu'ici, qu'une structure intergouvernementale, chaque nation devrait être, en particulier, une circonscription fiscale collectant les ressources nécessaires pour assurer le développement : chacun devrait payer selon ses moyens, c'est-à-dire " progressivement " plus pour les riches. Au lieu d'avoir " (comme c'est le cas dans les institutions de la famille des Nations Unies) " une cotisation minimale pour les plus pauvres Etats et un plafond pour les plus riches, et que, prétendus " donneurs ", ces plus riches soient invités à répondre à des " appels de contribution volontaires ", ne serait-il pas possible d'imposer à chaque pays, riche ou pauvre, une cotisation proportionnelle à son PNB de l'antépénultième année multiplié par un taux de progressivité en rapport direct avec son P.N.B. par habitant. Bien entendu, dans les objectifs de financement par pays, s'ils étaient maintenus, la progressivité serait inversée ... les fonds communs, gérés en coopération véritable, ayant pour but de faire progresser par priorité les plus pauvres dans un vrai " développement de tout l'homme et de tous les hommes " (F.Perroux), qui eux sont égaux ... ou devraient l'être (M.C. Développement, p. 46 - Mondes en développement, n° 1 -( 1973). "

Pour la gestion de ces fonds de développement, il devrait être possible de dépasser la structure intergouvernementale et cela est indispensable si le développement doit cesser d'être une mystification.

Un vrai Conseil Economique et Social, réunissant les organisations internationales non-gouvernementales représentatives des producteurs et des consommateurs, devrait être établi en remplacement ou à défaut parallèlement à l'actuel ECOSOC intergouvernemental. Ce nouveau Conseil Economique et Social jouerait le rôle d'Assemblée Consultative Provisoire en matière économique et sociale, au côté du Sénat d'Etats membres que représentent les Assemblée Générale et Conférences plénières des institutions de la famille des Nations Unies.

Un jour cette Assemblée consultative pourrait être en accord avec le Congrès des Peuples chargée de préparer un projet de Constitution et une Assemblée constituante dans le sens préconisé déjà par David Lubin (voir M.C. David Lubin, F.A.O., Rome 1969) en 1905 pour l'Institut International d'Agriculture et en 1917 dans son projet de Constitution pour une " Conférence Internationale des Démocraties. " Mais, dès maintenant, ce Conseil Economique et Social devrait proposer des organisations de produits et en désigner les responsables représentant producteurs et consommateurs. En effet, toutes les organisations actuelles sont des organisations de commerce international vivant dans la fiction des Etats producteurs (en fait exportateurs) en face d'Etats consommateurs (en fait importateurs) qui, entre autres inconvénients, privilégient le commerce international qui doit être seulement un moyen, en minimisant le rôle de la production et de la consommation quand elles sont dans la même zone à tous les niveaux (auto-consommation, consommation intérieure ...)

Pour nous en tenir aux problèmes de la Faim, ou plus généralement l' Agriculture (y compris l'élevage, les forêts et les pêches et leurs produits) et de l'Alimentation, un tel conseil, composé des représentants des producteurs et des consommateurs, devrait être constitué auprès de la Conférence et du Conseil de la F.A.O. (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture).

Au titre des producteurs, devraient en faire partie :

  • Les représentants de la Fédération Internationale des Producteurs agricoles
  • Les représentants des coopératives, de forestiers et de pêches affiliés à l'A.C.J.
  • Les représentants des Fédérations de Travailleurs agricoles, des plantations ...
  • Les représentants des travailleurs des industries et commerces de l'Alimentation affiliées à l'un des trois confédérations syndicales ayant le statut consultatif auprès de l'ECOSOC de l'ONU et de la FAO : CISL (Bruxelles), C.M.T. (Bruxelles) et F.S.M. (Prague).

Au titre des consommateurs

  • les représentants des Coopératives de consommation affiliées à l'A.C.I.
  • les représentants de l'Union Internationale des Associations des Familles,
  • les représentants du Conseil Mondial des Femmes
  • les représentants des trois Confédérations syndicales ci-dessus : C.I.S.L., C.M.T. (Bruxelles) et F.S.M. (Prague).

Un Plan Indicatif Mondial de l'Agriculture devrait être établi comme un plan d'agriculture de subsistance pour toute l'espèce à l'échelle de la planète. L'avis de ce Conseil Economique et Social de l'Alimentation devrait être obligatoire sur les projets du Secrétariat, avant qu'ils ne soient soumis aux instances intergouvernementales : Conférence et Conseil. Les organisations non-gouvernementales membres de ce Conseil devraient avoir non seulement le droit d'amender les projets ainsi soumis, mais encore le droit d'initiative et de propositions de projets présentés par eux-mêmes.

Pour chaque produuit alimentaire de base, des offices pourraient être constitués (selon le modèle de l'O.N.I.B., office national interprofessionnel du Blé de la loi française du 15 août 1936) dont le Conseil d'Administration devrait être composé à égalité des représentants des producteurs et consommateurs intéressés : personnalités indépendantes des gouvernements, désignées par les groupes respectifs du Conseil Economique et Social de l'Alimentation. Eventuellement et sans que ces groupes réunis puissent représenter plus du quart de l'ensemble, des personnalités indépendantes pourraient être désignées par le Conseil de la F.A.O. et/ou les organisations internationales (Chambre de Commerce Internationale, Fédérations Internationales d'Industriels) d'industriels et de commerçants.

Le rôle du Conseil d'administration des Offices de Produits serait :

a) de prévoir les objectifs de production et de consommation ;

b) de fixer les prix garantis et les niveaux de prix qui déclencheraient les mécanismes d'intervention ;

c) de fixer les conditions de stockage, y compris les niveaux d'étiage et ceux qui conduiraient à des utilisations de " surplus " pour des programmes spéciaux ou à des modifications de la politique des prix ;

d) de gérer ces stocks en application de la politique et en particulier des objectifs de production et de consommation ;

e) des taxes pourraient être prélevées sur les échanges commerciaux en vue du financement des dépenses d'administration, de gestion des stocks, des investissements, des programmes spéciaux de consommation, de diversification des productions, de recherche et de vulgarisation des innovations et en général des interventions financières prévues par le plan indicatif concernant le produit.

La politique à envisager n'est pas sans précédent : c'est celle qu'Henry A.Wallace, alors secrétaire de l'Agriculture du Président F.D.Roosevelt, a mis en œuvre dans ses " Agricultural Ajustment Acts ", en particulier dans celui de 1938, dont la pièce maîtresse était déjà l'" Ever Normal Granary ", c'est-à-dire une sécurité permanente par des réserves alimentaires. C'est d'ailleurs l'extension à l'échelle mondiale de cette politique que Franc Mc Dougall et les anciens de Genève proposèrent à F.D.Roosevelt et pour laquelle celui-ci convoqua à Hot Springs, en mai-juin 1943, la première Conférence des Nations Unies qui devait proposer la création de la F.A.O. .. (cf M.C. Déclaration devant la Conférence de la F.A.O., novembre 1973). H.A.Wallace savait d'ailleurs, par la thèse soutenue en 1911 devant l'Université Columbia à New York par Chan Huan Chang : " The Economics of Confucius and his School " qu'au moins depuis le 8ème siècle de notre ère, dont bien avant Confucius, un système analogue avait fonctionné pendant des siècles en Chine. En fonction des rendements obtenus chaque année au niveau du village, de la province et enfin de l'Empire, étaient fixées la consommation possible, les livraisons en vue du stockage par l'Office, tant pour les réserves à constituer que pour les contributions possibles pour les provinces déficitaires et enfin les quantités qui pourraient être commercialisées librement en cas d'abondance .. les quantités reçues par l'Office étant, quelle que soit la récolte, payées aux producteurs à un prix garanti supérieur, bien entendu, à celui qu'en cas d'abondance le commerce libre était disposé à payer.

En cas de mauvaise récolte, l'Office assurait, au pris normal, ce qui était nécessaire pour assurer la consommation de chacun (cf. ibid).

Dans son rapport à Louis XIV sur " l'importance dont Paris est à la France ", le maréchal de Vauban préconisait aussi une gestion de stocks de blés, céréales fourragères et légumes secs qui aurait permis qu'en cas de pénurie les consommateurs soient approvisionnés à un prix abordable et qu'en cas d'abondance les producteurs reçoivent le " bon prix " assurant la rémunération de leurs efforts et le remboursement de leurs dépenses.

Comme devaient le proclamer moins d'un siècle plus tard les premiers économistes français : les physiocrates : " la pénurie et les hauts prix, c'est la famine, l'abondance et les bas prix c'est la misère, seul le " bon prix " peut assurer la pérennité de l'abondance ". Leurs successeurs oublièrent vite cet objectif d'une politique idéale de l'alimentation. " Il y a près de deux siècles, vingt-cinq ans avant que David Ricardo ne publie ses fameux " Principes .. ; " un homme d'Etat constatait déjà : les auteurs de la théorie n'ont considéré les denrées les plus nécessaires à la vie que comme une marchandise ordinaire ; ils n'ont fait aucune différence entre le commerce du blé et celui de l'indigo, ils ont plus disserté sur le commerce des grains que sur la subsistance du peuple. Ils ont compté pour beaucoup les profits des négociants ou des propriétaires, la vie des hommes à peu près pour rien. " Cet homme d'Etat, c'est Robespierre qui proclamais aussi, le 2 décembre 1972, devant la Convention Nationale Française, dans son " discours sur les subsistances " : " Les aliments nécessaires à la vie de l'homme sont aussi sacrés que la vie elle-même. " Il affirmait ainsi la raison même pour laquelle la F.A.O. a été instituée : que la nourriture ne soit plus considérée comme une " marchandise ordinaire ", en 1945, c'est-à-dire 26 ans après la fondation de l'Organisation Internationale du Travail " pour que " le travail humain ne soit plus traité comme une marchandise (ibid) ".

L'expérience des Nations Unies nous prouve que ces nobles objectifs ne peuvent être atteints par les seules Organisations Intergouvernementales. Il est temps que les citoyens du monde prennent en main leurs affaires si l'humanité veut survivre.

CONCLUSION

Cette brochure d'étude, quoique sommaire, nous a amenés à certaines conclusions générales :

1°) Non seulement, il nous semble que les problèmes de la faim et du développement doivent faire l'objet d'une stratégie mondiale, mais encore faudrait-il que cette stratégie, acceptée par tous les Etats-nations, soit crédible de tous les horizon politiques et économiques, et dans toutes les couches de la population du globe ; or, dans un monde politiquement morcelé, composé de pays groupés en blocs opposés et armés jusqu'aux dents, une telle unanimité paraît impossible ... L'expérience de l'O.N.U. depuis 1945 ne peut que confirmer cette opinion.

2°) La complexité des problèmes du développement, problèmes qui se conjuguent avec ceux de la pollution et de la crise des matières premières, amène une constatation : les nécessités partielles s'opposent très souvent à la nécessité globale.

En effet, l'Occident surindustrialisé, pollueur et destructeur de la nature, commence à penser " halte à la croissance ". Mais dans le même temps, et avec juste raison, les pays pauvres pensent " progrès, industrialisation, amélioration du niveau de vie ". Plus le temps passera et plus cette opposition se fera sentir.

Il apparaît donc que seule la stratégie mondialiste, capable de redistribuer les solidarités et tendant à homogénéiser les actions, serait valable en matière de développement ... à condition bien sûr de s'appuyer sur des structures et un consensus populaire mondial.

Or, ce consensus populaire mondial qui existe, sans nul doute, potentiellement, ne pourra s'exprimer et s'affirmer que s'il est d'abord encouragé par la naissance d'un processus démocratique mondial, déjà largement engagé par les " Citoyens du Monde " eux-mêmes.

C'est cet exaltant travail de pionniers, d'incitateurs et de prospecteurs qui doit être notre particularité.

Toute l'action des Citoyens du Monde, c'est-à-dire l'addition de toutes leurs actions, doit encore tendre à mettre en œuvre une stratégie d'accès au mondialisme.

*

Quelques points importants ont été discutés sans qu'une conclusion claire soit apparue à leur sujet : nous nous permettons de les livrer au lecteur, afin que, lors des Commissions qui serviront à la réactualisation de cette brochure, nous puissions éventuellement bénéficier des idées qu'ils pourraient exprimer sur ces sujets.

a) peut-il y avoir plusieurs sortes de développement ou manières de développer les activités humaines ?

- nous pensons que peut-être oui, mais quelle est la partie de l'épanouissement humain qui serait la plus satisfaisante et la moins gaspilleuse ?

Développer
  • l'homme responsable dans la Communauté ?
  • l'homme dans sa dimension spirituelle ?
  • l'homme, dans, et en fonction de son environnement naturel ?

Peut-être que l'accession à des satisfactions d'ordre non-matériel pourrait compenser certaines restrictions inévitables dans l'avenir des régions riches ? L'homme de demain pourrait chercher plus à être qu'à posséder ?

b) L'idée mondialiste est née en Occident, et dans les pays socialistes de l'Est nous savons qu'elle existe, même si elle ne peut pas toujours s'exprimer ; mais, bien qu'il y ait des Citoyens du Monde dans les pays du Tiers-Monde, également, à ce jour, aucune libération, aucune révolution anti-colonialiste, ne s'est inspirée de l'idée d' " unité mondiale ", et presque tous les pays ayant accédé nouvellement à l'indépendance font, en général, preuve d'un certain nationalisme que nous espérons passager ...

- quelle doit être notre critique vis à vis de ces pays et, surtout, vis à vis des mouvements de libération plus ou moins violents qui secouent le Tiers-Monde ?

  • doit-on les réfuter catégoriquement ? rester dans l'expectative ?
  • doit-on, au contraire, essayer de comprendre au-dela des " moyens qui nous paraissent inadéquats " les buts de libération et de développement, et nous rendre solidaires de ces mouvements, afin d'essayer d'influencer leurs leaders et les amener aux thèses mondialistes ?

Chaque cas particulier a son action particulière mais le problème global est mondialiste.

BIBLIOGRAPHIE

  • Le livre noir de la faim, Josué de Castro
  • Géopolitique de la faim, Josué de Castro
  • Géographie de la faim, Josué de Castro
  • Nourrir les hommes, Michel Cépède
  • Dernière chance du Tiers-Monde, Maurice Guernier
  • Nous allons à la famine, René Dumont
  • Le Tiers-Monde dans l'impasse, Paul Bairoch

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