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Intervention de Marie-Françoise Lamperti

LA LIBERTÉ D'INFORMER

Académie Diplomatique Internationale - Paris le 11 septembre 2006 -

On m'a demandé d'intervenir devant vous aujourd'hui et je remercie M. l'Ambassadeur Lewin de m'avoir invitée à prendre la parole.

«Nous peuples des Nations unies résolus à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes ainsi que des nations grandes et petites et à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande».

La DUDH fixe les principes de la liberté d'information dans l'article 19. C'est pour consacrer ces valeurs que l'ONU dédie en 1993 une journée à la liberté de la presse , liberté de l'information , d'expression et d'opinion.

La description de la situation actuelle, avec 1300 professionnels des médias menacés dans le monde, son cortège de journalistes emprisonnés, assassinés ...le principal média en Chine (l'outil Internet) contré par une cyberpolice constituée de 40 000 fonctionnaires de police pour traquer les cyberdissidents, dira Michaël Stzanke journaliste en poste à Pékin pendant plusieurs années... ...ou bien des fournisseurs d'accès qui s'installent en Chine à qui l'on demande de signer une Charte interdisant toute information susceptible de menacer le Gouvernement ou présentant une menace pour la stabilité sociale.... etc.

On ne peut que mesurer à quel point la liberté d'informer et d'être informé est encore menacée et surtout combien les obligations nées des traités ratifiés par les pays signataires sont loin d'être respectées.

Nous savons que l'ONU étant composée "d'Etats membres" ce sont les représentants des gouvernements qui signent les conventions internationales. On se trouve là sur le mode de la représentativité si l'on se réfère au texte du préambule. Nous, peuple des nations unies, on peut se féliciter de ce que la société civile soit assez bien représentée au sein d'une instance comme l'OIT, par exemple. .

Cependant, cela n'est pas suffisant et nous fondons beaucoup d'espoir dans la réforme entreprise par M. le Secrétaire général pour que la participation populaire soit plus importante. Car c'est bien du peuple que viennent (pour reprendre Montesquieu) "la puissance publique et les lois".

Pour être plus efficaces, pour protéger la liberté d'opinion et la liberté d'expression qui sont les premières conditions de la reconnaissance de l'existence humaine qui pense, s'exprime et agit, il faut s'élever contre toutes formes de confiscation.

La Gouvernance qui nous représente par délégation n'a de sens qu'à partir du moment où le débat démocratique existe.

Or, le débat démocratique ne peut s'exercer sans ces libertés sous peine de voir l'instauration de principes autoritaires s'achever en tyrannie.

Il s'agirait pour nous tous d'unir nos forces afin de contribuer à développer une démocratie de base.

Souvenons-nous que dans la Grèce antique où les procès se multipliaient, lorsque la démocratie apparaît, elle apparaît dans sa fonction de participation du peuple aux affaires publiques et non pas dans ses fonctions de représentation. Cela signifie que, par essence, la démocratie est d'abord participative.

Participer c'est à dire "prendre part" au destin de notre humanité. C'est s'éprouver en tant qu'être humain comme faisant partie d'un tout, d'un ensemble...

Oui, l'histoire d'autrui me concerne.Oui, ça me regarde. Et lorsqu'on porte atteinte à la liberté de l'autre c'est de moi qu'il s'agit, c'est ma propre humanité qui est bafouée , meurtrie. Empêcher un journaliste d'exercer son métier imposent deux sanctions : l'une pour celui qui informe, l'autre pour celui qui ne peut pas recevoir l'information.

Alors, on voit mieux se dessiner ce qu'il y a d'intolérable dans la censure quels qu'en soient les motifs. On voit ce qu'il y a d'inacceptable à étouffer les opinions. Pas plus que le mensonge d' Etat, l'obstruction de l'information n'est défendable.

L'histoire l'a déjà prouvé : la répression, la censure, l'interdit provoquent la souffrance mais ça n'est en rien efficace, car l'aspiration à la liberté est toujours plus forte.

Cependant, on ne saurait se donner bonne conscience en s'indignant des phénomènes de répression ou de censure des pays voisins tout en faisant l'impasse vis-à-vis d'autres, comme si dénoncer les violations des uns effaçait les crimes des autres.

Il est bon de rappeler que c'est aux USA (Constitution américaine liberté d'expression) c'est-à-dire dans le seul pays occidental où le communisme n'a jamais pu s'implanter que l'on a vu à l'époque de McCarthy se déchaîner l'anticommunisme le plus inquisitorial (simulacres de procès, intellectuels,artistes pourchassés, dénonciations arbitraires, etc ).

Certes le MacCarthysme et le système soviétique ont disparu...mais aujourd'hui ?

Aujourd'hui, de nouvelles intolérances se font jour : on pourrait citer, le conformisme, par exemple.

De quoi s'agit il au juste ? Il s'agit de situations où tout le monde tend à produire le même discours.

Les élites politiques, les médias, les bien-pensants, les "béni oui-oui" qui parviennent à se couler dans le moule du "politiquement correct" "de la tendance" , en un mot un courant qui nie toute information non conforme au communément admis.

Il a pour conséquence une autre forme de censure...elle a pour nom l'exclusion.

Et faire silence, laisser faire, ne rien dire... serait ravageur pour notre monde. Car ce monde deviendrait alors uniformisé. Il ferait de l'individu un simple rouage sans capacité de " penser" ou "d'agir" autrement.

Il anéantirait tout espoir, toute volonté de changer la société. Il légitimerait enfin une fatalité plus aliénante et plus désespérante encore que les déterminismes du passé.

Ce serait donc une grave erreur de croire qu'avec la modernité les leçons du passé ont toutes été entendues. Que même sous une autre forme les totalitarismes d'hier ne se reproduiront plus.

Pourtant, le risque de la pensée totalitaire s'insinue comme ça : en refusant aux hommes l'expression différente, l'information autre, l'opinion inhabituelle.

C'est pourquoi l'article 19 de la DUDH qui fait de "la liberté d'informer" un des droits les plus précieux de l'homme prouve par l'expérience que ces droits sont indivisibles et qu'ils cessent d'exister dès qu'on leur assigne des limites.

C'est donc bien la diversité des expressions, des opinions, des idées et des hommes que réside la véritable richesse du monde. Cela induit la reconnaissance de ce qui nous distingue, "l'unité" des peuples non pas dans ce qui est identique mais dans ce qui est "égal" face aux qualités respectives des valeurs humaines.

Tous les efforts entrepris pour la protection de la planète nous font comprendre l'importance de la diversité des espèces animales et végétales. Cette diversité vaut aussi pour les cultures et pour les peuples.

Merci aux porteurs de témoignages, à tous ceux dont le métier est de faire reconnaître, souvent au risque de leur vie, la valeur de l'expression humaine.

Merci à l'ONU de poursuivre son oeuvre en rendant réalisables les idéaux de la Charte.

Je vous remercie.

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