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Le vrai changement cest sortir de léconomie de léchange et inventer léconomie du partage Êtes-vous pour le revenu universel ? La Grande Relève Pour un revenu garanti, individuel, inconditionnel, oui Mais ce sera très difficile den obtenir un financement convenable dans le système capitaliste parce que cest aller à lencontre de ses principes fondamentaux. Êtes-vous de ceux qui pensent que les nouvelles technologies vont entraîner la fin du travail [*] ? La Grande Relève Pas du tout. Évoquer la fin du travail* est une absurdité, parce que du travail [*], il y en aura toujours. Et sans doute de plus en plus. Dans toutes les activités concernant les soins aux autres, et dabord dans léducation. Dans la recherche, dans lexploration, dans la créativité dans tous les domaines de la connaissance et des arts. Dans linformation au présent et dans la participation aux débats politiques, etc. Mais cest la fin des emplois salariés : ils disparaissent déjà à toute allure. Et les nouvelles technologies vont en supprimer encore bien plus quelles nen créeront. Pour une raison très simple : un employeur ne crée ou ne maintient un emploi que sil peut en tirer plus de profit quen utilisant un robot ! LA FIN DE QUEL TRAVAIL ? CEST DE LA FIN DU SALARIAT DONT IL SAGIT ! Cest pour cette raison que Jacques Duboin, le fondateur de ce journal, a créé léconomie distributive ? La Grande Relève Il nen a créé que le terme ! De quoi sagit-il ? Et en quoi cela soppose-t-il au système actuel ? La Grande Relève Le terme déconomie distributive se comprend quand on loppose aux processus de REdistribution qui consistent, pour organiser une sorte de charité publique, à reprendre aux uns, par limpôt ou des taxes, un peu de ce quils estiment avoir bien gagné Faute dun terme parfait, on peut désigner lensemble de ces propositions par le terme déconomie de partage, pour montrer quil sagit de changer la façon dont les richesses sont réparties, ou par celui de démocratie économique, pour souligner que cest introduire la démocratie dans le domaine économique dont elle est aujourdhui complètement exclue. On aborde alors le fonctionnement dune économie dans laquelle ce nest plus la finance qui commande, parce que le rôle de la monnaie ne permet plus que toute activité soit soumise à la loi du profit. Et cest le terme déconomie des besoins qui convient pour mettre en relief le fait que cest par leurs fondements que distributisme et capitalisme sopposent totalement. Mais des besoins, il y en a infiniment ! La Grande Relève Dautant plus que le capitalisme semploie à en créer dartificiels !! Mais vous avez raison, il est impossible de les satisfaire tous, donc il faut faire des choix. Alors comment ? Sur quels critères ? Le rôle de léconomie est de produire des biens et des services, qui parviennent aux consommateurs par la vente. Les décisions déterminantes concernent donc la production : qui, quand, comment est fait le choix de ce qui va être produit, avec quels moyens, et pour lusage de quels acheteurs ? Les économistes orthodoxes, pour qui le système capitaliste est éternel, affirment quil existe une loi universelle qui, en rendant ces choix automatiques, dispense de perdre du temps à en discuter. Cest la loi du marché. Et elle est très simple : on nentreprend quoi que ce soit quen vue du profit financier à en tirer. Il faut donc choisir ce qui rapporte le plus. Or les investisseurs disposent aujourdhui de prodigieux moyens de calcul pour prévoir, en permanence, les rentabilités escomptables, partout dans le monde. Cette expertise mathématique leur désigne les entreprises dont le retour sannonce le plus rentable, cest donc celles quils choisissent pour y placer largent qui leur est confié pour le faire fructifier, et qui constitue les avances nécessaires pour produire. Ce choix des entreprises implique celui de leurs modes de production, des emplois dont elles ont besoin, et de toute la publicité quelles déploient pour pousser les consommateurs à acheter leurs produits. Le verdict est prononcé par la vente. Si ce qui a été produit trouve client, cest la preuve que cétait bien, donc le marché a raison de permettre à lentreprise de continuer, croître et prospérer ; et sinon, sil y a trop dinvendus, cest que ça nintéresse personne, le marché a encore raison en menaçant de faillite les entreprises à qui la vente na pas assez rapporté. Voilà comment un seul et unique critère, celui de la rentabilité, pilote toute léconomie capitaliste qui se trouve ainsi dévoyée. LA PSEUDO LOI DU MARCHÉ DISPENSE DE BIEN DES CONCERTATIONS À première vue, on pourrait pourtant dire que « le client est roi » puisque cest lui qui décide de la production par le choix de ses achats. Il vote avec son porte-monnaie, et la production sadapte à ses choix La Grande Relève En apparence seulement, car cest oublier lessentiel. Ce vote par le porte-monnaie est complètement faussé par le fait que certains ont mille fois plus de bulletins de vote que la moyenne, tandis que dautres nen ont même aucun ! Un tel vote ne permettrait dadapter la production aux besoins de tous que si chacun avait droit à une voix, donc si tout le monde disposait du même revenu. Mais dans les conditions actuelles, la production nest faite que pour satisfaire les besoins dits solvables, cest-à-dire ceux des clients éventuels qui peuvent payer. Or produire pour eux du luxe ou des gadgets inutiles est bien plus intéressant que se consacrer, par exemple, à une agriculture saine qui exige beaucoup de savoir et de main duvre Alors cest tant pis pour tous les autres, pour lenvironnement, pour la préservation des ressources non renouvelables, pour la santé, etc. Et vive lagriculture extensive et les intrants qui rapportent ! Et aussi tant mieux si quelques tricheries suscitées par lappât du gain permettent de gagner un peu plus ! Donc, le distributisme soppose au capitalisme en refusant de soumettre léconomie à la loi du marché ? La Grande Relève Oui. Dabord parce que ce nest pas une loi de la nature, universelle et éternelle comme le prétendent les économistes classiques. Et surtout parce que cette pseudo loi a bien dautres aspects trop lourds de conséquences À commencer par le fait quelle dispense les élus de leur responsabilité économique. Ainsi quand une entreprise privée congédie ses employés pour se délocaliser, pour être plus compétitive en payant moins de salaires et moins dimpôts, cest une affaire privée, donc le gouvernement ne peut que laisser faire puisque ce nest pas de son ressort ! Ensuite parce que cette quête aveugle du profit crée une rivalité permanente, une situation de guerre de tous contre tous, employeurs et employés sont stressés par la peur de perdre leur situation. Ce chacun pour soi détruit donc la société. En outre cette loi du marché est celle du laisser-faire, celle de la liberté dentreprendre que ses farouches défenseurs prétendent nécessaire pour stimuler une inventivité qui serait synonyme de progrès social. Cest doublement faux : la liberté dentreprendre est réservée à la minorité qui a les moyens financiers suffisants ; limmense majorité ne peut créer quen empruntant, donc en se soumettant par la dette à lobligation de rentabilité pour verser les intérêts exigés par ses créanciers. Et puis surtout cest laisser faire nimporte quoi, avec tous les dangers quentraîne une telle insouciance. Avec le formidable développement des technologies (nanotechnologies, intelligence artificielle, interventions sur le génome, etc.) souvrent de telles immenses possibilités souvent porteuses de lourdes conséquences, quil devient urgent, au contraire, de veiller à limiter les risques au maximum ! Des décisions aussi importantes pour le devenir de lhumanité doivent être basées sur la raison. Au lieu de laisser faire la main invisible du profit, il faut diffuser linformation et instaurer concertations et débats. LA PSEUDO LOI DU MARCHÉ DISPENSE DE BIEN DES CONCERTATIONS Je ne vois pas comment peut fonctionner une économie non soumise à la loi du marché ! La Grande Relève Parce que limagination est bloquée par la religion de léchange marchand Si léconomie ne lui est plus soumise, cest aux êtres humains concernés de lorganiser. En renversant la vapeur : au lieu de laisser la finance piloter léconomie, ils peuvent la mettre au service de leurs besoins économiques. Cest donc dune réforme monétaire quil sagit ? La Grande Relève Bien plus que dune réforme ! Toutes les réformes imaginables dans le système capitaliste ont été essayées et ont échoué. Pour saffranchir de la dictature de la finance il faut sen prendre à son fonctionnement, au rôle que joue son arme, qui est la monnaie, pour la désamorcer. La difficulté vient dabord du fait que les économistes ont bien soin déluder ce sujet qui les dérange. Le résultat est que les gens, dans leur immense majorité, sont prêts à croire nimporte quoi, par exemple à propos de la création monétaire. Ou au sujet des dettes souveraines : quand on leur affirme quils doivent se serrer la ceinture pour que lÉtat puisse rembourser, sinon ce serait condamner davance leurs enfants à payer à leur place, ils se sentent coupables et sont prêts à accepter. Vous pensez donc que, je cite, « notre ennemi, cest la finance » ! La Grande Relève Nous ne nous contentons pas de le déclarer, nous le montrons. Mais si nous avons tant de mal à nous faire entendre, cest parce que cest oser aborder un domaine réputé si compliqué quil ne serait accessible quà quelques spécialistes, qui peuvent ainsi en parler doctement à leur guise ! Et pourtant, nous sommes tous concernés par le fait que le monde est dominé par largent. Comme M-L Duboin le montre dans son livre Mais où va largent ?, tant quune majorité de gens refusera dessayer de comprendre les mécanismes qui nous ont conduits à la situation catastrophique actuelle, elle ne fera quempirer. Admettre quil est normal quon ny entende rien, quon ne peut donc que laisser faire ceux qui savent, et qui tiennent à ce que rien ne change, cest permettre que rien ne change. Faut-il comprendre que vous voulez supprimer la monnaie ? La Grande Relève Non, parce que léconomie doit être sérieusement gérée, ne serait-ce que pour éviter le gaspillage des ressources non renouvelables Cest à cette gestion que doit servir la monnaie, permettre de compter tout ce quil faut é-co-no-mi-ser. Mais tout le reste, tout ce qui peut, sans danger, être consommé sans limite, et qui dailleurs nest en général pas mesurable, doit être gratuit. LA MONNAIE DOIT PERMETTRE DE GÉRER CE QUI DOIT ÊTRE É-CO-NO-MI-SÉ. LE RESTE PEUT ÊTRE GRATUIT. La croissance cesse donc dêtre un impératif, sauf pour les connaissances, la culture, lart, etc. La Grande Relève Oui, car, en résumé, lobjectif de léconomie des besoins est de produire et mettre à disposition, de façon raisonnée, cest-à-dire en tenant compte des moyens disponibles et des retombées possibles, ce qui est nécessaire pour satisfaire les besoins de tous, en commençant par les plus vitaux, puis, dans la mesure du possible, les plus souhaitables et les moins indispensables. Presque chaque mot de ce résumé suscite des questions telles que : Comment produire ? Comment mettre à disposition ? Que veut dire de façon raisonnée ? Comment savoir quels sont les moyens disponibles ? Etc. On entre là dans le détail des modalités de fonctionnement que depuis 1935, et pas seulement en France, des milliers de gens ont avec nous envisagé, imaginé, discuté. Et, en général, plusieurs solutions sont possibles. Or cest aux personnes concernées den décider, les modalités adoptées peuvent donc être différentes selon les lieux et modifiées au cours du temps. Cest là un premier point important : la démocratie apporte à léconomie une véritable souplesse : il devient possible den adapter lorganisation aux conditions locales et les modalités peuvent enfin évoluer avec les moyens de production. En envisageant ces diverses modalités, on comprend à quel point saffranchir des impératifs figés de la loi du marché, est une véritable libération. On découvre tous les verrous qui souvrent, toutes les possibilités qui ne sont que des rêves dans le système du profit, tous les interdits qui bloquent même les imaginations, et tous les dangers vers lesquels nous précipite cette course en avant pour une croissance hors de toute mesure, par une compétition qui, même libre et non faussée, est mortifère. Si ce nest plus le profit qui stimule les activités, mais où va-t-on ! La Grande Relève Vers le contraire de cette lutte permanente : vers la coopération qui, outre quelle rend la vie humaine moins violente, est économiquement bien plus efficace et plus productrice de qualité. On va sen apercevoir dans tous les domaines, à tous les niveaux. Commençons par les choix économiques déterminants : quelles productions faut-il mettre en route et avec quels moyens ? Ces décisions essentielles sont politiques. Elles résultent du débat démocratique qui est organisé de façon à ce quun maximum dinformations objectives puisse être pris en compte. Cette prospection revient à lInstitut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE). Sa mission nest pas seulement la publication de bilans, il lui revient de recenser et de rendre publics, en permanence, les besoins, les moyens matériels accessibles, le personnel disponible, les méthodes envisageables et leurs retombées prévisibles. Le recensement des ventes passées fait partie des informations qui lui sont nécessaires pour évaluer les besoins, y compris ceux destinés à des contrats déchanges avec lextérieur. Les propositions de travail, sous forme de contrats civiques (on verra plus loin) lui permettent de connaître les moyens disponibles en personnel. Moyens techniques et chiffrage des fournitures nécessaires lui sont communiqués par les entreprises en activité et les chercheurs. Les professionnels de la santé, de lenvironnement, de lagronomie, etc. sont là pour prévoir, selon les cas envisagés, les retombées dans leurs domaines respectifs. Je vous arrête : cest ne pas respecter le secret des affaires, les secrets professionnels, les brevets dexclusivité ! La Grande Relève Bien sûr. Secrets et brevets nont de raison dêtre que sil sagit de rivaliser avec des concurrents. Cest cet obstacle à la transparence qui disparaît quand lobjectif commun est de produire le mieux possible en disposant des meilleures techniques, les découvertes les plus récentes sont alors largement accessibles. En outre, le débat démocratique na aucune raison de favoriser lobsolescence programmée, mais au contraire le développement dateliers de réparations. Et sortir de la loi du marché cest aussi se débarrasser de la pression exercée par des lobbyistes, par exemple quand il sagit dempêcher la diffusion de produits dangereux ! Cest rendre inutiles fraudes, contrefaçons, tromperies sur les effets de certains médicaments. Dans le domaine de la santé, cest même aller plus loin : alors que les médicaments sont aujourdhui une énorme source de profits (surtout pour les laboratoires pharmaceutiques), comme sans doute bien des dépenses curatives, se libérer de la loi du profit ne peut que favoriser le développement éminemment souhaitable de la médecine préventive et changer aussi bien des aspects actuels des professions médicales. SECRETS PROFESSIONNELS, BREVETS, LOBBIES OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE TRICHERIES ONT LA MÊME MOTIVATION Et pourquoi pas aussi : adieu aux pesticides, aux armes, aux drogues La Grande Relève Ils résultent, en effet, de la même motivation. Reprenons. Cest à tous les niveaux appropriés (local, régional, etc.) selon le principe de subsidiarité et en disposant de toutes ces données que sorganise le débat de politique économique, quasi en permanence, au sein de ce quon peut appeler le Conseil Économique et Social (CES). Ces décisions établissent le projet de production où sont précisés ce qui va être produit, où, par quelles entreprises, dans quelles conditions, avec qui, avec quoi, quelles quantités sont prévues, où ces produits seront livrés et mis en vente, et à quels prix, etc. Cest la planification à la soviétique ! La Grande Relève Pourquoi « à la soviétique » ? Vous oubliez quen France, un Commissariat au Plan a existé dans les années 1950-70 et quil a largement contribué aux reconstructions et adaptations nécessaires après la guerre. Pas une seule entreprise, capitaliste ou pas, ne peut fonctionner sans avoir un plan, parce quavant de pouvoir produire quoi que ce soit il faut savoir ce quon veut faire et comment ! Le projet est donc destiné à préparer la production La Grande Relève Oui, mais pas seulement. Le projet établit aussi lestimation chiffrée, pour une période donnée, de la richesse quon a décidé de produire pour la mettre en vente ou pour léchanger (contrats de troc) avec des richesses produites à lextérieur. Cest cette estimation qui fixe le montant de la masse monétaire qui est alors créée par la banque centrale. Vous voulez dire que si telle région entreprend de produire pour un milliard en produits divers, il va y être créé un milliard en monnaie ? Mais ce sera linflation ! La Grande Relève Non parce que cette nouvelle monnaie ne peut servir quà acheter son équivalent de produits : lors de tout achat, que ce soit dun bien ou dun service, elle est automatiquement annulée. La monnaie distributive ne circule pas. Son rôle est de faire passer les produits des producteurs aux consommateurs. Ce qui est bien le but de léconomie, non ? Puisque les produits se renouvellent, ne vous paraît-il pas logique que la monnaie pour les acheter se renouvelle au même rythme ? Monnaie et produits sont ainsi deux flux qui sécoulent en parallèle, et quil sagit déquilibrer. Mais il y a des aléas. La réalisation nest jamais tout à fait conforme aux prévisions La Grande Relève Bien sûr que non, même si les informations sont dautant plus fiables quil ny a plus de raison de les cacher ou de les truquer. Mais des erreurs sont toujours possibles, et il y a des catastrophes imprévisibles. Cest pour cela que lINSEE compare, en continu, les résultats qui lui sont communiqués avec les prévisions qui ont déterminé la masse monétaire. Et le pouvoir dachat de cette monnaie est corrigé en permanence pour rectifier, rétablir léquilibre entre les flux de production et de consommation. Tout ça paraît bien compliqué. La Grande Relève Pas plus que ce que font aujourdhui les traders. Les logiciels nécessaires pour assurer cet équilibre sont semblables à ceux quils ont mis au point et qui fonctionnent dans le monde entier, 24 heures sur 24. Pour les adapter, il faut juste changer de point de vue !! Mais une monnaie qui sannule à lachat, ça change complètement nos habitudes ! La Grande Relève Pas pour tous les gens qui touchent si peu quils ne peuvent rien mettre de côté ! Pour tous ceux dont les fins de mois sont difficiles, la monnaie actuelle est déjà une telle monnaie de consommation ! Et quand on poinçonne un billet de métro, quand on colle un timbre sur une lettre, on a bien lhabitude que ce moyen de paiement soit automatiquement périmé, oblitéré ! CEST LA POSSIBILITÉ DE PLACER DE LARGENT POUR QUIL RAPPORTE QUI CREUSE DE PLUS EN PLUS LES INÉGALITÉS Et pourquoi cette restriction ? Est-ce quil nest pas plus simple dinstituer des taxes (taxe Tobin, TTF sur les transactions financières ) pour réduire la spéculation ? Et pourquoi ne pas linterdire ? La Grande Relève Parce que le milieu financier est devenu plus puissant que les gouvernements. Il dispose aujourdhui des moyens de contourner toute loi qui interdirait telle ou telle spéculation, tel ou tel paradis fiscal, le shadow banking est bien au point, les transactions sous la table sont monnaie courante, cest bien le mot ! Aujourdhui, « largent va à largent », hors de toute raison. Pour que la monnaie ne puisse plus « faire des petits » il faut quelle ne puisse pas être placée, donc quelle ne circule pas. Il faut insister sur ce point parce quil est passé sous silence. Il est ignoré alors quil est essentiel : cest la possibilité de placer de largent pour quil rapporte qui creuse de plus en plus les inégalités, injustifiées, entre les fortunes. Et cest facile à comprendre : tout vient du fait que les intérêts sont propotionnels au capital placé. Pour tous ceux qui ont à peine de quoi vivre (et ils sont largement majoritaires dans le monde !) cest une source de revenu inaccessible. Si le taux dintérêt est de quelques pour cent, quand vous pouvez placer cent euros, vous en tirez quelques euros. Ceux qui peuvent placer un million ramassent quelques dizaines de milliers Et à ceux qui placent un milliard, cest plusieurs dizaines de millions qui tombent du ciel ou plutôt du capitalisme, puisque cest sur cette croissance exponentielle que ce système est fondé. À ce taux, la différence est déjà énorme. Mais les investisseurs exigent maintenant des « retours à deux chiffres », ce qui veut dire des taux de plus de 10 % ! Par exemple, le rendement annuel des actions des multinationales de lindustrie pharmaceutique a atteint jusquà 27 %. Faites le calcul ! Voilà comment plus vous possédez, plus vous gagnez, sans rien faire. Cest automatiquement, mathématiquement, que lécart se creuse, donc que les inégalités entre les êtres humains augmentent de plus en plus vite et hors de toute raison. Faut-il que cette démesure puisse continuer ? DANS LE CAPITALISME PLUS VOUS POSSÉDEZ, PLUS VOUS GAGNEZ CEST MATHÉMATIQUE ! LES INÉGALITÉS NE PEUVENT DONC QUAUGMENTER ! Non, bien sûr. Mais comment une telle monnaie peut-elle être créée et annulée ? La Grande Relève Comme lest aujourdhui la monnaie bancaire, cest-à-dire comme lessentiel (de lordre de 90%) de la monnaie utilisée pour les paiements. La monnaie bancaire était scripturale à lorigine : des jeux décriture. Sa forme actuelle est maintenant informatique, numérique : les banques la créent par addition, lannulent par soustraction sur les comptes informatisés de leurs ordinateurs, entre lesquels elle est transférée, au sein du réseau informatique qui leur est réservé. Cette forme est adaptée aux moyens performants qui existent, elle est bien rôdée, elle permet lusage, très commode, des cartes bancaires comme moyens de paiement (et pour les détaillants comme moyen de gestion de leurs inventaires). Elle peut donc être conservée. Si la forme de la monnaie est la même, quest-ce qui change ? La Grande Relève Sa raison dêtre, lorganisme qui a le droit de la créer, et avec quel objectif. Aujourdhui, ce sont des organismes privés, les banques, qui la créent, et dans leur propre intérêt, quand elles ouvrent des crédits pour leurs clients. Elles la gèrent en tenant les comptes. Elles lannulent et encaissent les intérêts quand ces crédits leur sont remboursés. Pour que léconomie ait enfin lintérêt général pour objectif, un tel privilège doit être remis en question. On devrait même se demander comment il a pu être maintenu dans ce quon appelle pourtant les démocraties : il sagissait dun droit régalien, est-ce quavec la république, ce droit ne devait-il pas revenir au peuple ? La forme informatique de la monnaie bancaire est donc adaptée à la monnaie distributive, mais cest une institution publique, transparente et contrôlée, qui la crée et la gère en se conformant aux décisions de politique économique prises démocratiquement dans les CES [**], comme on vient de le voir. Les pièces et les billets, qui sont faits pour circuler, sont donc exclus. Ne le regrettons pas : ils servent surtout au blanchiment dargent sale et aux paiements au noir ! Et pour les petits achats, cette menue monnaie est déjà en train dêtre remplacée par le porte-monnaie électronique. Cest donc la banque publique qui crée la monnaie, dans lintérêt général. Comment ? La Grande Relève Par inscriptions sur deux types de comptes : les comptes des entreprises, pour acheter ce dont elles ont besoin pour produire, et les comptes individuels, destinés à la consommation. Les entreprises dont les projets chiffrés ont été acceptés par les CES sengagent par contrat à les exécuter comme prévu. La banque inscrit donc sur leurs comptes les sommes quelles ont demandées. ON NE PEUT PLUS CONDAMNER QUICONQUE, SOUS PEINE DE NAVOIR PAS DE QUOI VIVRE, À CHERCHER SUR LE MARCHÉ QUELQUUN QUI NE LUI ACHÈTE SON TRAVAIL QUE SIL PEUT EN TIRER PROFIT. Donc la banque publique assure lavance nécessaire aux entreprises comme le font aujourdhui les investisseurs privés ? La Grande Relève Oui, sauf que ces entreprises nont rien à rembourser. Non seulement elles nont plus dintérêts à payer à qui que ce soit, mais pas non plus dimpôts, ni de taxes quelconques, ni de cotisations sociales, puisque le fonctionnement de tous les services publics est financé de la même façon. Et ça change tout ! Le travail na plus pour but daugmenter le bénéfice dun patron ou les dividendes des actionnaires, ni dassurer quils soient compétitifs pour gagner des marchés. Le personnel de lentreprise est le groupe des personnes qui se sont associées dans un projet commun soumis au CES. En signant le contrat correspondant quand le CES la accepté, elles se sont engagées à le réaliser ensemble, selon le financement prévu. Il ne sagit plus dun patron et de ses employés, mais dune coopérative, dont tous les membres, chacun dans sa fonction, ont le même objectif : remplir le mieux possible leur contrat et en fournir la preuve au moment den demander soit ensemble le prolongement, si tout sest bien passé, soit pour en faire état pour dautres projets si des changements sont souhaités. Plus de patrons, plus demployés, que des coopérateurs ! Bon. Mais comment leur travail est-il rémunéré ? La Grande Relève Oui, que des coopérateurs, mais la hiérarchie de leurs fonctions nimplique pas celle de leurs revenus. Le travail nest plus une marchandise. Au XXIème siècle, on ne peut plus condamner quiconque, sous peine de navoir pas de quoi vivre, à chercher sur le marché quelquun qui ne lui achète son travail que sil peut en tirer profit. La condamnation à ne manger quà la sueur de son front se justifiait dans les siècles passés quand la production étant surtout manuelle, artisanale, la menace de pénurie alimentaire était quasi permanente et rendait vitale la nécessité de produire. Notre système économique a été conçu en ces temps où il fallait donc obliger tout le monde à travailler, et le plus possible. Le progrès des connaissances dans tous les domaines, au siècle dernier, a si complètement changé nos moyens de production que nous sommes sortis de cette ère de rareté. Nous sommes entrés dans une ère dabondance potentielle, en ce sens quil est devenu possible de remplacer du travail humain par celui de robots pour produire ce dont lhumanité a besoin pour se nourrir, sabriter, se soigner, etc. Cette grande relève se transforme aujourdhui en chômage, alors quelle peut être du temps humain libéré, permettre de réduire le temps de travail nécessaire en le partageant mieux, développer des activités choisies : loisirs, culture, art, sport et politique. À condition dadapter notre système économique à cette évolution. Dabord en reconnaissant que si nous disposons aujourdhui de telles possibilités cest grâce aux connaissances que les générations précédentes ont acquises et nous ont léguées. Les richesses produites aujourdhui en sont lusufruit, il faut les partager parce que nous en sommes tous, au même titre, cohéritiers. Le revenu inconditionnel, assuré de la naissance à la mort, versé à chacun par la société dont il fait partie, et désigné, pour cette raison, par revenu social, est cette part dhéritage. ON NE PEUT PLUS MESURER LE SALAIRE COMME ON LE FAISAIT À LÉPOQUE DU TRAVAIL À LA CHAÎNE Est-ce que cela signifie quen économie distributive la totalité des revenus de chacun est la même pour tous ? La Grande Relève Recevoir une part de revenu, au titre de cet héritage commun, est un droit fondamental qui est reconnu à tous en économie distributive. Or la richesse à partager nest pas la même dune région à lautre puisquelle dépend dun grand nombre de facteurs et des décisions du CES qui fixent, comme on la vu, les masses totales de monnaie. La part de monnaie réservée en priorité pour la production assure aussi lentretien de tous les services publics, (dont la plupart, comme la santé et la formation, sont daccès gratuit), il ny a donc plus aucune raison de lever des impôts ou des taxes sur quoi que ce soit. Reste la masse destinée à la consommation, dont la répartition doit être débattue. Si la production et les services publics sont fixés à un minimum, juste de quoi assurer la survie de tous les habitants, légalité économique au niveau de base paraît la seule possibilité humainement défendable. Dès quon décide de produire plus, on peut soit tout partager également, soit en réserver une petite fraction pour introduire de la souplesse : susciter, encourager certaines activités par des suppléments de revenus, MAIS en se gardant bien doublier quil ny a pas dégalité des droits politiques, donc de véritable démocratie, sil ny a pas égalité des droits économiques. APPLIQUONS LE PRINCIPE MUTUALISTE Mais cest labolition du salariat ! La Grande Relève Oui, bien sûr. Elle semble aussi difficile à défendre que le furent labolition de lesclavage au 18ème siècle, du travail des enfants au 19ème, puis du repos hebdomadaire et des congés payés ! Mais elle est inévitable. La preuve, cest quelle a déjà commencé, mais dans le mauvais sens ! Le salariat, tel quon le rêve encore, est moribond. Il se transforme, à toute allure, en précariat : cest Uber et autres en France, les jobs de merde en Allemagne et les jobs à zéro heure au Royaume-Uni, tous ces petits boulots mal payés, de durée souvent très courte, sans aucune garantie et sans protection sociale. Et il est complètement irréaliste de nier que les technologies du numérique vont se développer pour la raison évidente quelles permettent de réduire encore plus la masse salariale. En outre, on ne peut plus mesurer le salaire par le temps passé comme on le comptait à lépoque du travail à la chaîne. Les techniques modernes rendent impossible de faire la part dans la richesse produite de ce qui résulte du travail effectué par tel employé, celle de la formation quil a reçue, celle de ses capacités innées, celle du milieu dans lequel il a été élevé, celle de létat des connaissances à son époque, celle des choix de lorganisation, des méthodes, etc. Nous proposons d appliquer le principe mutualiste : toute la production est faite par lensemble des actifs, selon leurs capacités, et elle est partagée entre tous, actifs et inactifs, en fonction de leurs besoins. On na pas trouvé plus équitable ! Le revenu de chacun devient lavance que lui fait la société humaine pour quil puisse devenir, être, et rester le plus longtemps possible, un citoyen heureux dêtre actif et utile aux autres. Ce nest plus le prix dachat du travail quil a fourni. Sil est payé davance, il ne fera rien ! La Grande Relève Mais si ! Il reçoit une avance pour être ce citoyen heureux dêtre actif et reconnu comme tel. Nest-ce pas ce à quoi chacun aspire ? Et pourquoi trouve-t-on normal que les employés fassent aujourdhui lavance de leur travail, alors que pour les entreprises, cest lordre inverse ? Pour pouvoir vendre son travail il faut pourtant avoir dabord acquit la force de leffectuer. En économie des besoins, la société commence par fournir à chacun, dès la naissance, tout ce dont il a besoin pour devenir un citoyen, plus précisément pour quil puisse, de la façon la plus autonome possible, épanouir sa personnalité en sadonnant à une ou plusieurs activités par lesquelles il participe à la satisfaction des besoins de la société dont il fait partie. Léducation fait prendre conscience à chacun(e) de son appartenance à la société humaine, comprendre que celle-ci a besoin de sa coopération et que cest par ses activités dadulte quil (ou elle) va pouvoir être reconnu(e) et estimé(e) pour ses compétences et son altruisme. Le but de lenseignement, accessible à tous aussi longtemps que nécessaire, est de préparer à cette réciprocité entre individu et société. Les activités correspondent ainsi aux capacités et aux aspirations de ceux qui les ont choisies, elles sont donc beaucoup mieux exercées que sous la menace de navoir pas de quoi vivre. La population, moins stressée, a donc le temps et les moyens de sinformer et de réfléchir pour participer à la démocratie. Comment sexerce pratiquement, au niveau individuel, ce choix des activités ? La Grande Relève Comme évoqué précédemment, tout résident, homme ou femme bien sûr, fait au CES, une proposition pour sengager par contrat dans une activité, en précisant dans quelles conditions et pour quelle durée. Un tel projet peut être individuel (artisanal, artistique, familial, ) ou proposé par un groupe de personnes qui se sont entendues pour former une coopérative. Le contrat signé ensuite avec le CES est, pour chaque participant, son contrat civique. Et le bilan de ce qui a été ainsi réalisé sajoute, à échéance, à son curriculum vitae, ce qui lui permet den faire état quand il ou elle en demande le renouvellement ou fait une autre proposition. Alors tout le monde devient intermittent ? La Grande Relève Oui. Avec un revenu garanti et une sécurité sociale assurée, chacun peut ainsi piloter sa propre vie. Décider de travailler des années de suite sans relâche, prendre des années sabbatiques, mener de front plusieurs activités Et si personne ne propose de participer à une activité jugée indispensable ? Quels contrôles pour veiller à quaucun tire-au-flan nen profite pour ne rien faire du tout ? La Grande Relève Rassurez-vous, ces questions font partie des détails auxquels plusieurs solutions peuvent être apportées. Quelques unes ont été imaginées, il y a plus de trente ans, dans le livre Les Affranchis. Par exemple, instaurer un service civil obligatoire pour assurer certaines urgences et aussi pour apprendre à être solidaire et à sortir de ses habitudes ; sa durée peut être de quelques mois, voire plus selon les besoins, par exemple entre 18 et 25 ans. Un service de coopération, échangé avec dautres pays. Et rien nempêche les CES de faire des propositions pour assurer des activités indispensables pour lesquelles aucun volontaire ne sest présenté. Et, rassurez-vous, la loi peut fixer un minimum dengagement actif dû par chacun, entre 25 et 45 ans par exemple selon lévolution de la productivité et condamner les tire-au-flan que vous évoquez, si ce ne sont pas des malades et si cest vraiment nécessaire, à quelque peine dactivité publique. Cest changer bien des activités . La Grande Relève De toute façon, la plupart vont devoir changer pour sadapter aux nouvelles technologies et aux impératifs du climat et de lénergie. Mais ce quil est important de souligner cest combien sont humainement souhaitables, et inédites, celles qui sont ouvertes quand on se libère de lorientation imposée par la quête du gain financier. Nous navons fait quen évoquer quelques unes, au passage : à propos de léducation et de la formation, ce qui mérite pourtant un plus long développement, et dans le domaine de la santé, louverture de la médecine à la prévention. Nous avons montré que la démocratie économique fait de la politique une activité ouverte à tous. On aurait pu mentionner la levée des contraintes exercées sur la presse et les moyens dinformation. Laissons le lecteur imaginer lintérêt des activités de recherche quand elles ne sont plus orientées a priori vers des applications immédiatement rentables. Et celui des activités artistiques quand elles échappent à toute avidité commerciale. Le changement dans lactivité des détaillants nest pas un détail. Ils ont toujours la responsabilité de la gestion de leur magasin, simplifiée par les paiements informatisés. Mais leur rôle dintermédiaire ne consiste plus à pousser à lachat, et de préférence à celui qui leur rapporte. Il devient celui dinformateur, et doublement : faire part aux fournisseurs des critiques, des souhaits et des compliments des clients, et informer la clientèle en transmettant leurs réponses, qui ne peuvent être quobjectives, sur la fabrication de leurs produits. Vous rêvez : vous croyez que tout le monde, il est bon ! Alors que les hommes sont naturellement méchants. La Grande Relève On ne peut plus affirmer que tout le monde est, naturellement, soit méchant, soit bon. On sait maintenant que le comportement dun être humain dépend très peu de linné, beaucoup plus de la façon dont il a été entouré dès ses premiers mois, de léducation quil a reçue ou pas reçue, son entourage est déterminant. Or le chacun pour soi capitaliste incite à la guerre permanente de tous contre tous pour arriver, alors, comment voulez-vous que la société soit conviviale quand les enfants sont entraînés dès lécole à la compétition ? Quand ce qui paie cest jouer des coudes pour gagner, quand on prend lhabitude de mépriser les autres pour passer devant eux, à quoi aboutit-on ? Forcément à faire dun milliardaire comme Donald Trump le modèle à suivre ! Le cancer qui ronge notre société étant cette idéologie du profit, la thérapie de choc nécessaire cest se débarrasser de la finance capitaliste qui a mené lêtre humain à devenir ainsi ladversaire de ses semblables ! On est en pleine utopie La Grande Relève Effectivement, en ce sens que la démocratie économique nexiste nulle part. Mais il sagit dune utopie réaliste, parce que les moyens de la réaliser existent déjà et quils se développent de plus en plus vite. Alors que lillusion, cest croire sans raison que nous traversons une crise, autrement dit que les difficultés actuelles ne sont que passagères Car lhumanité est en pleine mutation, notre organisation économique est dépassée, elle nest pas adaptée aux moyens actuels, encore moins à ceux qui se préparent il faut donc faire preuve dimagination pour que lutopie daujourdhui fasse la réalité demain. Il est bien évident que le chemin peut être long. Malheureusement rien nassure quon dispose encore de beaucoup de temps, il est donc urgent de prendre la bonne direction.
[*] le mot TRAVAIL est employé ici dans le sens quen donne le dictionnaire Larousse = activité de lhomme appliquée à la production, à la création, à lentretien de quelque chose. [**] Conseil Économique et Social Article publié dans |
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