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Il est des êtres humains auxquels le destin réserve un sort exceptionnel... Pierre Martin est de ceux là, toute sa vie a été consacrée à la paix et à l'amitié entre les peuples. Avec lui, c'est une grande figure du pacifisme et du mondialisme qui vient de s'éteindre à Grasse, le 22 juin 1998. Ce siècle avait douze ans, lorsqu'il vit le jour à Chartres en Eure et Loir. Ce grand militant des causes justes qui, sa vie durant refusa avec une conscience exigeante de prendre une arme pour éliminer son semblable, était également l'exemple du parfait intellectuel, doté d'une stature pluridimensionnelle qu'il dissimulait sous une modestie et une totale générosité. Tour à tour et parfois en même temps, il sera tantôt sociologue, économiste ou expert en coopération pour le développement, mais le militant pacifiste restera avant tout un vrai citoyen du monde que Kwamé Krumah, premier président du Ghana, consacrera "héros de l'Afrique". En effet, Pierre était diplômé d'études supérieures de droit et d'économie, il était également licencié en sociologie et diplômé de sciences politiques. En même temps que Paul Emile Victor (PEV) des expéditions polaires, il avait reçu une formation en ethnologie auprès de spécialistes de renom, dont Marcel Griaule de la civilisation de Dogons. Pierre Martin qui avait horreur du froid, déclina l'invitation de PEV pour aller au pôle Nord et par un malheureux concours de circonstances, il n'effectuera pas non plus l'expédition Dakar - Djibouti, organisée en 1936 par Griaule. Quel est le comble d'un objecteur de conscience ? C'est sans doute de se retrouver prisonnier de guerre ! Quel destin singulier que celui de Pierre Martin, incarcéré pour objection de conscience : il se retrouve prisonnier de guerre, lorsque les hordes nazies de l'Allemagne Hitlérienne envahissent la France, en 1940. Sa volonté inébranlable de ne pas porter les armes, le conduit à faire du "tourisme pénitentiaire ". Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il sera élu quatre fois de suite et pendant douze ans au Conseil de l'Internationale des résistants à la guerre. En 1947, en sa qualité de pionnier du Service Civil International, Pierre foule pour la première fois la terre africaine, pour diriger en Kabylie un chantier de développement communautaire. C'est au cours de ce chantier, qu'il fait la connaissance de Mouloud Féraoun, instituteur dans un village voisin. Cette rencontre a permis à Mouloud de publier son premier roman "Le fils du pauvre". Après cette riche expérience, don't le récit est relaté dans son premier ouvrage "En Kabylie, dans les tranchées de la paix", publié à Beyrouth en 1953, l'UNESCO lui confie une mission d'éducation de base auprès des réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza, en Egypte et en Jordanie. Lui à qui le Mahatma Gandhi avait écrit que, s'il était résolu à agir dans l'esprit de la non-violence, il se devait de la pratiquer, là où il se traouvait : en se débarassant de la peur et en luttant sans relâche contre toutes les formes d'injustice/ Plus il approfondissait la pratique de la non-violence, plus il souhaitait rencontrer Gandhi. C'est ainsi qu'en 1948, il entreprend de rallier l'Inde et enfourche sa bicyclette "Gertrude". C'est en Libye, qu'il apprend qu'une violence fanatique venait de ravir la vie du Mahatma. Gandhi, l'apôtre de la non-violence est assassiné. Il rebrousse chemin et décide de s'installer en Algérie pour se consacrer à l'enseignement. Il demande et obtient un poste d'instituteur dans l'Ouarsénis, pour appliquer les méthodes de l'éducation intégrale. Peu de temps après le tremblement de terre d'Orléansville (actuellement Chlef) en 1954, Pierre est interdit de séjour en Algérie, il se retrouve en Franceet rencontre Louis Lecoin. Ensemble, ils créent le journal pacifiste "Liberté" et collaborent trois années durant à son animation. Cette précieuse collaboration conduira quelques années après, à la législation de l'objection de conscience. En 1959, il interrompt une mission d'étude pour l'UNESCO, à Accra, pour rejoindre l'expédition internationale contre l'explosion atomique au Sahara. Les autorités françaises le bloquent au Ghana, il y mène quinze jours de grève de la faim devant l'Ambassade de France, à Accra. Son action est unanimement appréciée : Kwamé Krumah, panafricaniste et premier président du Ghana, lui adresse ce message :"Pierre, vous êtes un héros de l'Afrique. Votre nom sera perpétué par les générations futures." En 1961, il arrive à Dakar, au Sénégal, pour s'occuper des coopératives , Administrateur civil principal, il se consacre à l'amélioration des conditions de vie dans le monde rural, par le biais des méthodes coopératives, à l'Office national de coopération et d'action au développement (O.N.C.A.D.). En même temps, il introduit les coopératives scolaires ; assure leur développement et leur animation. Pour une étude remarquable "Aqui profite l'arachide", il analyse les enjeux d'un capitalisme agraire décadent, parce que miné par des intermésiaires peu scrupuleux, et par une déterioration progressive des termes de l'échange. En 1962, il anticipe son départ en congé en France pour assister Louis Lecoin dans sa grève de la faim, qui a permis de convaincre de Gaulle de la nécessité de reconnaître l'objection de conscience. Membre du Congrès des Peuples, c'est lui qui crée les mouvements des Citoyens du monde au Sénégal. Au cours de cette décennie déterminante dans l'histoire duSénégal. Il participera avec son épouse Jacqueline Martin-Dumeste, à la formation des premiers cadres de l'indépendance. Jacqueline qui avait pris contact avec le Sénégal dès 1953, en organisant les premières caravanes des Eclaireurs de France en Afrique, enseignera les mathématiques à Daakar, à partir de 1957, au Lycée Technique Maurice Delafosse et à l'Ecole nationale des travaux publics (LNTP). C'est également au cours de cette étape que ses enfants : Alassane et Abdou naissent à Dakar, où la famille Martin-Dumeste a noué des liens d'amitié indéfectibles. Après sa retraite en 1972, toute la famille fait une halte de quelques années en Algérie, avant de se retirer à Grasse, dans les Alpes Maritimes, et à Tourtour dans ce beau village provençal, perché dans le ciel du Haut Var. Pierre comme nous l'appelons affectueusement et avec respect, était une personnalité hors du commun, qui a consacré son intelligence, son courage et l'énergie d'une vie au service d'une grande cause : la Paix. Il en était un inspirateur infatigable, et restera un exemple pour les générations futures. Ceux qui liront son ouvrage "Candide face au Moloch", comme ceux qui s'abreuveront zux sources fécondes du pacifisme, découvriront un homme qui n'a jamais abdiqué face à l'histoire. Pierre Martin était convaincu que la paix dans le monde passe par une véritable solidarité fraternelle entre les peuples. Les ressources de son amitié et l'éclat de sa douce boix prolongent en notre vive mémoir leurs inépuisables échos. Grand humaniste laïque, il restera toujours vivant par la constance de son engagement. Malick M'Baye Fonctionnaire International à
l'UNESCO. |
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