n° 134 - Octobre 1990

Comme nous l’avons fait pour Max Habicht (voir AMIP n° 84, Décembre 86), nous croyons devoir continuer de faire connaître ceux qui, dans la période contemporaine, ont été à l’origine du courant actuel de la pensée mondialiste. Roger Wellhoff est de ceux-là.Roger WELLHOFF nous a quittés le 17 juillet dernierIl avait pris récemment la parole le 28 avril, à Tours, aux côtés, notamment, de l’abbé Pierre, également citoyen du monde ; il la prenait encore, pour la dernière fois, le 16 Mai à Genève, au Palais des Nations. Enfin, il avait ét prévu qu’il la prendrait à nouveau à le 21 Juillet à l’Institut d’Études Mondialistes et il allait avoir un entretien avec Jacques Attali, Conseiller spécial du Président de la République Française, auteur du livre « Lignes d’horizon », qui contient de nombreux passages mondialistes. Jusqu’au dernier moment, en tant que directeur du « Registre International des Citoyens du Monde », Roger Wellhoff n’avait cessé d’avoir des rapports avec les centres nationaux du Registre. Il en recevait, de divers pays, un abondant courrier, en rendait compte, suggérait telle ou telle méthode de travail.

Ancien élève de l’Ecole Polytechnique, Roger Wellhoff, durant les années d’occupation nazie, s’était interrogé sur les raisons qui conduisaient l’humanité à des situations désastreuses. Il était convaincu que le caractère absolu des souverainetés natioinales était un des obstacles majeurs au développement harmonieux et pacifique de l’humanité. Il avait longuement réfléchi à ce que pourrait être une nouvelle organisations mondiale – qui semble de plus en plus justifiée. Mise en place par étapes, elle permettrait de faire face à des problèmes comme ceux de la faim et de la pollution par exemple et à ce qu’ont d’irrationnel des impulsions dues à l’intolérance, aux égoïsmes et à la haine. Lorsque Garry Davis, en 1948, fit ressortir avec éclat la notion de citoyenneté mondiale, Roger Wellhoff retrouva dans cette notion ce qui correspondait à ses tendances profondes et à sa réflexion. Il se consacra à cette époque au mondialisme – tout en poursuivant ses activités professionnelles qui ont eu trait, notamment à des problèmes d’organisation des entreprises. Soulignons que, de 1974 à son décès, période durant laquelle il fut le Directeur du Registre International des Citoyens du Monde, il parvint à stimuler les centres nationaux déjà existants et à provoquer la création de centres nouveaux. Au cours de ces derniers mois ont été ainsi ouverts des centres en Afrique (Zaïre, Côte d’Ivoire) et en Europe, ceux de Suède, Lithuanie, Pologne, Roumanie, Danemark et en URSS.

Homme de culture, curieux de tout, ouvert aux divers problèmes humains, d’une grande générosité de cœur, Roger Wellhoff, comme Max Habicht, Maurice Cosyn, Jacques Savary, Emery Reves, Lord Boyd Orr, Jean Rostand, Bertrand Russel, Alfred Kastler, René Cassin, Josué de Castro, Milchel Cépède, Albert Camus et tant d’autres, aura été, souhaitons-le, au nombre des bâtisseurs, souvent inconnus, d’une meilleur dont rêve depuis toujours l’humanité.

Il était l’un des plus infatigables d’entre nous et, cependant, il nous a quittés : Roger, en effet, ne refusait jamais de participer à une manifestation, à une réunion, il ne refusait jamais de soutenir un projet pour peu qu’il lui semble aller dans le sens du mondialisme, il savait en évaluer le coût, les chances et les retombées. C’est ainsi que, depuis 1963, il soutint le projet du Congrès des Peuples..

Il était en effet à Bruxelles en 1963 quand Maurice Cosyn et Rodriguès Brent lancèrent le projet de Congrès des Peuples, il était avec nous en mai 90 à Genève pour la réunion plénière du Congrès des Peuples ! Il avait mis sur pied, avec certains d’entre nous, l’organisation de la 1ère élection et surtout du dépouillement de cette élection qui, dans les annales du mondialisme, a laissé un souvenir ! Ce fut vraiment une première mondiale, marquée par l’enthousiasme et l’émotion, une journée où se retrouvèrent les soutiens fidèles : Josué de Castro, Robert Buron, Lance Mallalieu, Robert Bonnefous, Paul Boulet, Théodore Monod, Michel Cépède, ... ; une journée que Roger, comme nous tous, avait certainement ressentie fortement, convaincu que le départ du Congrès des Peuples était prometteur et qu’il fallait le mettre sur rails. Avec la même attention, le même soin, il a participé pratiquement à l’organisation de tous les dépouillements. Mais une des grandes qualités de Roger était le fait qu’il ne se prenait pas au sérieux, il agissait avec sérieux, certes, mais savait rire de lui.. et de nous .. Une autre qualité était sa franchise, il n’hésitait jamais à dire non fermement quand c’était nécessaire.

Il faisait tout chose simplement, discrètement, il avait mis ses qualités professionnelles au service de l’organisation du Registre International, il avait lorsque le Registre avait dû quitter la rue Lacépède, parcouru la presse et ... Paris, à la recherche du local qui convenait à nos finances et au choix du lieu, c’est ainsi que le Registre se retrouva Boulevard Vincent Auriol. Chaque lundi, Roger quittait « sa campagne » et venait préparer le travail du mardi, jour de permanence du Registre.

Rien, sans doute, ne l’avait particulièrement prédisposé à être un « militant », cependant dès la fin de la guerre jusqu’à ses derniers jours, il le fut. Cet engagement, on le retrouve chez ses fils, c’est ainsi que Maurice renvoya son livret militaire et fut victime d’un procès, Maurice qui, citoyen du monde, grand défenseur de la forêt, continue, lui aussi, sur la voie mondialiste et c’est Jean-Paul, son fils aîné, qui lui succède comme responsable du Registre International. Ce sont des engagements qui l’eussent comblé !

Non, Roger, tu n’as pas perdu ton temps, nous n’oublierons pas et nous tiendrons bon ! Au revoir.

Renée Marchand