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texte de Alfred Rodriguès Brent, initiateur du Congrès des Peuples |
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De tout temps, dans le monde, la très grande majorité des citoyens a été dirigée par une petite minorité. Jusqu'à la naissance des états démocratiques, il y a environ deux siècles, le régime autocratique régissait les différents groupes de citoyens. Les anciens régimes réglaient donc les problèmes entre eux comme des affaires " de monarque à monarque " dont le peuple était exclu. Après l'apparition d'institutions démocratiques, avec la naissance des Etats-Nations souverains, le règlement des affaires changea de nom, il devint inter-national, mais le système demeura inchangé : une très faible minorité possède tous les pouvoirs et décide, sans en référer au peuple, de la guerre ou de la paix. Vers la fin du 19ème siècle, les dirigeants éprouvèrent la nécessité d'assurer la paix. Il convoquèrent à La Haye en 1899 une conférence qui fut un échec ; une deuxième conférence se réunit à La Haye en 1907 dont la seule conséquence visible fut la guerre de 1914-18. Après les horreurs de cette guerre, on créa, dans l'espoir de maintenir la paix, la Société des Nations basée sur la souveraineté des États-Nations et sans aucun appui populaire. Elle fut par là-même vouée à l'échec et sombra dans la guerre de 1939-45, plus horrible encore que la précédente. Après cette guerre, même réaction : on vit la naissance de l'Organisation des Nations Unies aussi incapable que les trois tentatives précédentes d'assurer la paix parce qu'elle présente les mêmes défauts : respect absolu des souverainetés nationales, exclusion de tout appui populaire. Depuis toujours les oligarchies, qu'elles soient de droit divin ou démocratiques, agissent de la même façon en juxtaposant leurs propres souverainetés sans jamais en déléguer une partie au profit d'un organisme supérieur capable, avec l'appui direct du peuple, de garantir la paix. Actuellement plus un État-Nation est puissant, plus il se charge " d'obligations internationales ", plus il tend à créer et renforcer un bloc avec des nations satellites qu'il cherche à dominer. Les Etats-Nations moins puissants cherchent, eux aussi, pour défendre leurs intérêts politiques et économiques, à dominer les moins forts qu'eux. Ainsi s'établit en fait une hiérarchie mondiale instable des nations. Les réunions internationales au niveau ministériel où se prennent des décisions devant obliger les Etats-Nations eux-mêmes ne peuvent rien contre les défauts de l'organisation actuelle du monde. Or changer totalement et d'un coup celle-ci est une impossibilité car tous les gouvernements nationaux sont à la fois les gardiens et les prisonniers du système. Ce qui est possible et même nécessaire, c'est de constituer, étape par étape, un nouveau système à côté de l'ancien. C'est ainsi que les évolutions humaines se déroulent le plus souvent. L'ancien ne disparaît pas soudainement quand le nouveau se présente. Qu'il s'agisse d'un mécanisme ou d'une méthode, l'ancien et le nouveau existent toujours côte à côte pendant un certain temps. Les faits nouveaux de notre époque, ce sont l'extension du sens de la solidarité humaine, le progrès des sciences et l'expansion des connaissances, le développement des techniques et la conscience d'une citoyenneté mondiale. C'est en se basant sur ces faits que la nouvelle méthode d'organisation transnationale du monde devra être établie pour succéder à l'organisation inter-nationale actuelle. La condition indispensable au succès est de pouvoir travailler en transcendant les frontières. Donc l'organisation doit être transnationale et non pas supranationale, au sens de groupement d'un certain nombre d'Etats-Nations en bloc souverain constituant ainsi une nouvelle hiérarchie. Devant les échecs répétés des États-Nations, une poignée de penseurs ont cherché une solution : ainsi, entre les deux guerres, deux américaines, Lola M.Lloyd et R.Schwimmer, ont lancé en 1924 l'idée d'une Assemblée Constituante des Peuples composée de délégués élus dans le monde entier à raison d'un délégué par million d'habitants et chargée de rédiger une Constitution Mondiale. Après la deuxième guerre mondiale, cette idée a été reprise par quelques personnes dont un avocat américain du Tennessee, Fyke Farmer, qui a proposé de grouper les élections pour l'Assemblée Constituante des Peuples avec les élections parlementaires des différents pays. L'État du Tennessee a adopté une loi dans ce but. L'élection eut lieu et permit de désigner trois représentants dont deux furent présents à la première réunion de l'Assemblée Constituante des Peuples à Genève à la fin décembre 1950 où se rendit également un représentant du Nigeria. Ce premier résultat suscita dans les parlements de France, de Belgique et des Pays-Bas des propositions de loi pour l'organisation d'élections analogues mais celles-ci n'aboutirent pas. Faute de désignation de délégués d'autres pays à l'Assemblée Constituante des Peuples, le gouverneur du Tennessee, cédant à un groupe de pression, abolit la loi qui avait permis cette première élection. On était arrivé au point mort. Une nouvelle méthode devait être élaborée. Il fallait faire table rase et étudier une nouvelle possibilité de représentation progressive des habitants de la planète en vue de la gestion de leurs affaires communes. C'est ainsi que l'organisation nouvelle doit être constituée peu à peu, par étapes, et coexister aussi longtemps que nécessaire à côté de l'ancienne. Le Congrès des Peuples peut le faire en se chargeant des tâches à sa taille dès maintenant. C'est pourquoi j'ai conçu le projet de Congrès des Peuples et, qu'avec mes amis Jacques Savary et Maurice Cosyn, nous avons présenté en 1957 les bases de ce projet, c'est à dire le remplacement progressif des institutions qui ont géré le monde depuis sa création par des institutions à l'échelle mondiale. Alfred Rodriguès-Brent. |
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