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Somme Mondialiste

brochure n° 05

Peut-on transformer l'ONU ?

Cette brochure réalisée par Francis Gérard (1901-1974),
vice-président du Mouvement Universel pour une Fédération Mondiale,
pose le problème de la transformation de l'organisation des Nations Unies.

PROPOS LIMINAIRES

Vingt-cinq ans après la Conférence de San-Francisco, nombreux sont ceux qui considèrent que les Nations Unies ne remplissent pas les tâches que la Charte leur a fixées, à savoir : le maintien de la paix et de la sécurité internationale, le développement de relations amicales entre les Nations, la réalisation d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. "

On veut bien accorder à l'Assemblée Générale des Nations Unies le rôle de plate-forme de discussion et d'échanges d'idées, et l'on veut bien admettre que certaines des organisations spécialisées des Nations Unies font un travail utile. Ecore pense-t-on que ces discussions comportent une bonne part de démagogie et que les organisations spécialisées fournissent, le plus souvent, à une partie du personnel, une occasion de mener une vie facile liée à une activité agréable.

Mais en ce qui concerne les fonctions essentielles des Nations Unies, l'unanimité est pratiquement faite pour souligner que cette organisation internationale n'a pu empêcher l'éclatement et la conduite de nombreuses guerres dites " localisées " ou de guerres subversives - l'absence d'une 3ème guerre mondiale n'étant pas à porter à l'actif des Nations Unies, mais d'un équilibre de la terreur entre armes nucléaires soviétiques et américaines (équilibre d'ailleurs bien précaire). L'action des Casques Bleus, au Congo comme au Moyen Orient, a totalement échoué. La plupart des conflits n'ont pas été soumis aux instances internationales pour conciliation et arbitrage, ni à la Cour Internationale de Justice.

Quant à la protection des droits de l'homme, on insiste sur le fait que la Déclaration Universelle n'a jamais pu être complétée par une convention internationale. La contribution des Nations Unies au développement économique et social, notamment par l'action du Conseil Economique et Social est considérée comme dérisoire, en l'absence de moyens suffisants mis à la disposition des pays en voie de développement.

Quant aux modifications qui sont intervenues aux Nations Unies au cours du premier quart de siècle de son existence, il faut constater que l'exercice du droit de véto par les membres permanents du Conseil de Sécurité est toujours aussi néfaste, malgré l'élargissement de cet organisme.

En ce qui concerne l'augmentation considérable du nombre de membres des Nations Unies, les uns y voient une occasion pour les deux superpuissances de se constituer une " clientèle " parmi les pays ayant nouvellement acquis leur indépendance (au moins sur le papier), et les autres une possibilité pour des Etats du groupe afro-asiatique de mener une action de chantage ou de démagogie auprès du reste du monde.

Cette opinion, essentiellement négative, sur les Nations Unies n'est toutefois pas entièrement justifiée.

FAITS POSITIFS DES NATIONS UNIES

Certaines organisations spécialisées, notamment la F.A.O. et l'O.M.S. aident, d'une manière efficace, les pays en voie de développement à sortir de leur situation déplorable due à l'état rétrograde de leur agriculture (trop souvent axée sur la production de quelques produits d'exportation plutôt que sur celle des denrées de consommation locale) et du niveau insuffisamment développé de leurs services de santé et d'hygiène publique.

Des conventions particulières concernant le respect de certains droits fondamentaux ont été conclues et ratifiées au cours des dix dernières années ; elles comportent des clauses imposant des sanctions aux contrevenants. Les efforts réalisés, notamment grâce au travail de René Cassin, pour créer le poste de Haut-commissaire pour les Droits de l'Homme, ont fait beaucoup de progrès depuis deux ou trois ans.

Les interventions des Nations Unies dans les conflits internationaux ont été utiles dans de nombreux cas, sous les aspects suivants :

  1. les observateurs ont pu donner des renseignements importants permettant au Secrétaire Général de recommander l'arrêt des hostilités et l'adoption de solutions équitables de ces conflits ;
  2. les recommandations des Nations Unies concernant un cessez-le-feu ont été suivies à maintes occasions : Iran (1946), Indonésie (1945, 1947) ; Moyen-Orient (1948, 1950). Corée (à partir de 1953), etc. …
  3. La présence des Casques Bleus a limité les dégâts au Congo et à empêché des heurts violents au Moyen Orient de 1956 à 1967 (jusqu'au jour où ils furent retirés sur la demande de l'Egypte). Ils jouent encore aujourd'hui un rôle non négligeable à Chypre.
  4. Le Secrétaire Général des Nations Unies a attiré, plus d'une fois, l'attention du monde sur de graves dangers et a ainsi encouragé l'action des Etats membres, ou des organismes compétents, pour contrecarrer ces dangers. La dénonciation de la menace qui pèse sur notre environnement est un exemple récent d'une telle initiative.
  5. L'action des Nations Unies a facilité dans de nombreux cas l'entrée en vigueur de l'indépendance des jeunes Etats, notamment en Afrique (Libye, Tunisie, Maroc, etc. ...)

Toutes ces activités mériteraient un exposé plus détaillé qui dépasserait le cadre de cette brochure.

Roosevelt avait poussé à la création des Nations Unies pour rendre une guerre entre l'Est et l'Ouest moins probable, car " aussi longtemps qu'on parle, on ne se bat pas ". Quelles qu'en soient les possibilités, d'ailleurs nombreuses, cette guerre n'a pas eu lieu et, fin 70, elle semble, tout en n'était pas exclue, moins probable que jamais.

Si les remarques qui précèdent tendent surtout à rectifier une critique trop absolue formulée par ceux qui s'impatientent devant les lenteurs du progrès de la société humaine, elles ne signifient pas, d'après l'opinion de l'auteur de cette brochure, que tout est pour le mieux en ce qui concerne les Nations Unies.

FAIBLESSE DES NATIONS UNIES

En effet, les faiblesses des Nations Unies sont si évidentes qu'on n'a guère besoin d'insister. Les conflits armés depuis la fin de la deuxième guerre mondiale se chiffrent par centaines ; les victimes de massacres effectués en flagrante violation des droits fondamentaux de l'home, dans les guerres localisées ou dans les conflits intérieurs, se chiffrent par centaines de milliers, peut-être par millions. La famine fait régulièrement son apparition dans mains pays, et la sous-alimentation semble être le propre d'un bon tiers d' l'humanité. La misère est accompagnée d'une croissance excessive de la population des pays en question. Cette population ne peut se nourrir, se vêtir, se loger, s'éduquer convenablement parce que les régimes économiques et politiques de nombreux pays sont construits sur les privilèges de petites castes appartenant au néo-capitalisme monopolisateur, ou à une bureaucratie omni-puissante. En 1970, lors d'une épidémie de choléra en Afrique et au Moyen-Orient, l'O.M.S. s'est vu refuser l'accès des pays où cette maladie faisait des ravages - les gouvernements voulant cacher l'épidémie pour des raisons de prestige.

Ces maux existent et se perpétuent malgré les efforts des Nations Unies et malgré quelques débuts de succès de certains de leurs organismes.

Que faire ? Tous ceux qui aspirent à un avenir plus juste et plus prospère de l'humanité sont d'accord sur un point : la solution ne peut plus être trouvée dans le cadre des souverainetés nationales. Les nations, comme les régions, les villes et les villages ont et auront toujours certaines tâches importantes à remplir. Mais précisément dans les trois domaines dont il est question ici : le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le respect des droits de l'homme et le développement économique et social, des institutions mondiales avec des pouvoirs limités, mais réels, sont nécessaires.

INSTITUTIONS MONDIALES

Comment créer ces Institutions Mondiales ? Ici il faut distinguer deux courants : les uns considèrent qu'il faut gagner l'appui des peuples du monde pour la mise en vigueur d'une constitution mondiale, élaborée ad hoc et acceptée par une grande majorité des Etats (soit que leurs Gouvernements y consentent, soit que ces Gouvernements soient remplacés par d'autres qui s'en feront les avocats, car dans un monde construit sur les Etats souverains, on ne pourra pas se passer de la ratification d'une constitution mondiale par ces Etats) ; les autres considèrent au contraire, que cette constitution mondiale devrait être développée à partir de la Charte des Nations Unies.

Ces derniers ont évidemment pour eux de prendre comme point de départ quelque chose qui existe déjà, et dont les autres doivent tenir compte d'une manière ou d'une autre. Mais il est aussi évident que leur temps est compté. Si les Nations Unies n'arrivent pas rapidement à mieux remplir leurs tâches, elles seront discréditées devant le monde entier, et même parmi les jeunes Etats du Tiers-Monde qui continuent encore à mettre leur espoir en elles. Leur existence finirait alors par apparaître comme un obstacle à la réalisation de ces buts.

C'est sous cet angle qu'on doit examiner, en tant que Citoyen du Monde le rôle des Nations Unies à notre époque.

A ce sujet, il convient de distinguer les deux aspects de la transformation des Nations Unies : une meilleure utilisation de la Charte actuelle et une réforme de cette Charte. S'il est sûr que certaines clauses de la Charte rendent la réalisation des buts qu'elle s'est fixés très difficile, il existe d'autres clauses dont l'application permettrait, au contraire, de se rapprocher de ces buts.

Voici quelques exemples de ces dispositions de la Charte dont les possibilités élargies sont nettement reconnaissables sans qu'on ait besoin d'entrer dans des considérations d'ordre juridique. Un exemple très simple est celui de la compétence de la Cour Internationale de Justice : actuellement, il est facultatif pour les Etats membres de soumettre des conflits d'ordre juridique à cette Cour et de respecter ses décisions. Mais cependant, certains Etats se sont déjà engagés à soumettre leurs conflits à la Cour et à respecter ses décisions. Sans qu'il soit nécessaire de modifier la Charte, les Etats peuvent tous prendre un tel engagement.

Un engagement semblable pourra être pris pour les conflits qui ne relèvent pas du droit international mais dont le caractère politique qu'ils présentent nécessite une procédure de conciliation et d'arbitrage par les Nations Unies. Cette méthode des engagements volontaires, sans être parfaite, s'avère comme très fructueuse dans maints domaines. Elle concerne, entre autres, les conventions particulières sur les Droits de l'Homme.

FONCTIONNALISME

Dans un ordre d'idées semblable, on peut citer les activités de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique, une des organisations associées aux Nations Unies. Nombreux sont les Etats qui ont, dès à présent, soumis volontairement certaines de leurs installations nucléaires à un contrôle de l'Agence qui doit empêcher le détournement des matières fissiles vers des buts militaires. Les pays d'Amérique latine ont, à peu de chose près, tous signé un traita d'après lequel ils s'engagent à ne pas fabriquer, ni acquérir, d'armes nucléaires, et ont demandé à l'Agence d'effectuer chez eux le contrôle nécessaire pour vérifier si cet engagement est respecté. Dans le cadre du Traité de Non-Prolifération conclu au seine des Nations Unies, après de longues délibérations de leurs organismes compétents, l'Agence et chargée de la vérification du respect de ce Traité par les Etats l'ayant ratifié.

Ceci est un exemple de la deuxième méthode applicable pour renforcer les Nations Unies, sans pour autant modifier la Charte (entreprise difficile à réaliser), à savoir la conclusion de traités dans le cadre de cette organisation et sur son initiative. Il faut mentionner ici un exemple récent : celui du Traité de l'Espace de 1967 qui stipule que l'espace cosmique et les corps célestes ne doivent pas être l'objet d'activités militaires, et ne peuvent devenir territoire national d'aucun Etat. Ce traité, qui a été ratifié par de nombreux pays, y compris l'Union Soviétique et les Etats-Unis, est en vigueur depuis plus de deux ans. Le Traité interdisant les explosions nucléaires autres que les explosions souterraines, est encore un exemple de l'application de cette méthode. Des traités semblables concernant l'interdiction des armes biologiques et chimiques, et concernant l'exploitation du fond des océans, sont en préparation.

En regardant de plus près, on trouve facilement dans la Charte des dispositions qui jettent les bases de diverses institutions (par exemple sur le plan régional), ou organismes, tel que l'Etat-major des Forces des Nations Unies qui n'a jamais pu être créé en raison de l'opposition entre l'Est et l'Ouest. Cet Etat-Major pourrait donner aux Casques Bleus une toute autre importance.

Le Secrétaire-Général des Nations Unies, U.Thant, a énuméré, dans un important discours devant le Congrès du Mouvement Universel pour une Fédération Mondiale à Ottawa, en août 1970, les progrès que les Nations Unies ont faits dans les domaines qu'on vient de citer. Il a mentionné un autre point très important, et même indispensable pour le bon fonctionnement des Nations Unies, à savoir : l'universalité de cette organisation impossible à atteindre sans l'adhésion de la République Populaire de Chine. Les Fédéralistes Mondiaux se sont prononcés depuis longtemps pour cette mesure qui, bien entendu, ne demande aucune modification de la Charte.

Mais, dans ce discours, le Secrétaire Général a insisté également sur la nécessité d'un droit mondial ayant force de loi et sur la création d'institutions mondiales comportant un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir juridique.

CHAMBRE DES PEUPLES

Il a ainsi abordé le deuxième volet du renforcement des Nations Unies qui n'est possible qu'avec certaines modifications essentielles de la Charte. En effet, un véritable pouvoir exécutif ne peut être fondé sur le droit de veto de quelques membres permanents du Conseil de Sécurité. Pour être responsable devant le pouvoir législatif, ce pouvoir exécutif ne doit pas être composé seulement de délégués des gouvernements des Etats membres, mais comporter, au moins, une chambre élue par les peuples d'après une modalité à fixer.

Cette modalité doit, certes, prendre en considération le fait qu'aucune grande puissance ne donnerait de pouvoirs législatifs à un organisme dans lequel chaque Etat, grand ou petit, aurait le même nombre de voix. Mais elle doit aussi tenir compte du fait que les petits et moyens Etats n'admettront jamais d'être dominés dans une assemblée législative par les grandes puissances qui auraient une représentation en proportion avec leur population. On arrive ainsi à la conception d'un corps législatif mondial dans lequel chaque pays aura au moins une voix, et aucun Etat n'aura suffisamment de voix pour permettre aux quelques Grands de dominer tous les autres.

Un pouvoir exécutif et un pouvoir juridique avec des pouvoirs réels susceptibles d'imposer, si nécessaire, le droit mondial par la contrainte des délinquants, présuppose l'existence d'une police civile mondiale et d'une force mondiale de la paix pouvant agir, le cas échéant, contre des Etats ou des groupes d'Etats voulant s'opposer au droit mondial. Cette structure entraînera donc le remplacement des armées nationales par une force de paix mondiale.

On arrive ainsi à la conclusion à laquelle d'autres sont arrivés depuis longtemps pour diverses raisons, à savoir la nécessité d'un désarmement général, universel et internationalement contrôlé. Depuis l'utilisation des satellites pour l'étude des installations terrestres, le contrôle international devrait présenter bien moins de difficultés qu'il y a une quinzaine d'années.

REFORME DE LA CHARTE

Il suffit d'ailleurs de jeter un coup d'œil sur les mesures de renforcement des Nations Unies proposées sans réforme de la Charte pour comprendre qu'elles restent presque toutes incomplètes sans d'autres mesures qui impliquent une réforme de la Charte.

Ainsi, rendre obligatoire la reconnaissance des décisions de la Cour Internationale de Justice ne prend une importance pratique qu'autant que ces décisions peuvent, le cas échéant, être imposées par la force. Le développement économique et social du Tiers-Monde ne peut être réalisé à une échelle suffisante que si les Nations Unies disposent de moyens financiers propres (au lieu de dépendre de la bonne volonté des gouvernements nationaux), c'est-à-dire d'un budget et d'une assemblée législative ayant pouvoir budgétaire. Et ainsi de suite pour d'autres mesures.

Toutefois les mesures de la première catégorie ne sont pas sans rapport avec celles de la deuxième. Celles-là préparent celles-ci. Par exemple, le contrôle volontaire sur les matières fissiles par les Inspecteurs de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique prépare les activités du corps d'inspecteurs qui seront nécessaires quand le désarmement général sera réalisé et quand les satellites informeront les autorités mondiales que des activités interdites semblent se dérouler dans tel ou tel centre de recherche ou telle ou telle usine. Les conventions et traités par lesquels les Etats signataires se disent d'accord pour subir certaines sanctions en cas de violation, préparent les mesures législatives par lesquelles ces sanctions pourront être imposées par la force publique.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les mesures coercitives ne représenteront qu'un seul, et même pas le plus important, des aspects des Nations Unies, renforcées et renouvelées. Des mesures créatrices, constructives, dans les domaines économique, social, éducatif, culturel prendront une importance toujours plus grande. Il suffit de se rappeler du fait que, dans la lutte contre la dégradation de notre environnement par la pollution et d'autres nuisances, l'impact sur l'opinion publique, par un enseignement approprié et par l'action des mass media, est au moins aussi important que la coercition. Autre exemple : l'enseignement des métiers, de l'hygiène, etc. ... dans les pays en voie de développement par le moyen de satellites éducatifs administrés par les Nations Unies est appelé à jouer un rôle essentiel. Les Nations Unies possèdent, dès à présent, l'expérience et la technique pour réaliser d'énormes progrès dans tous ces domaines (sans elles, ces moyens n'existeraient pas) mais il leur manque le pouvoir de décision. C'est ce pouvoir qu'il faudra leur donner. La disparition des organismes qui pourraient appliquer ces moyens créerait un dommage difficilement réparable pendant de longues années.

Francis Gérard
1969

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